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Luxembourg, victime de son succès - The Good Escape
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The Good Business

Luxembourg, victime de son succès

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Avec une économie robuste et un salaire annuel moyen record, le Luxembourg attire les travailleurs étrangers. Le challenge pour la capitale est de fournir les infrastructures pour accueillir une population toujours plus importante.

Pour beaucoup de Français, le Luxembourg est un petit pays dont on connaît finalement peu la capitale, à part le fait qu’elle abrite des institutions européennes et bancaires. Mais pour environ cent mille de nos concitoyens, le Luxembourg (ville et pays), c’est le quotidien. Chaque jour, ces derniers – les plus nombreux –, mais aussi des Belges et des Allemands traversent la frontière pour y aller travailler. Qu’ils y aillent pour une journée, deux ou pour dix ans, les étrangers sont toujours majoritaires au Luxembourg. Au premier janvier 2018, le pays comptait 602 005 habitants, dont seulement 313 042 Luxembourgeois.

Luxembourg City.
Luxembourg City. Philippe Bourhis

Dans la capitale, c’est 70 % des habitants qui détiennent un passeport, une population composée de 167 nationalités. La ville de Luxembourg doit donc gérer le flux quotidien de navetteurs venus des pays limitrophes, mais aussi créer les infrastructures permettant d’accueillir ceux qui souhaiteraient y résider, attirés par les postes, souvent temporaires, mais nombreux, qui sont proposés par les compagnies internationales. Pour faire face à une réelle pénurie de logements, il faut donc construire.

« Le centre-ville est complet, et après les démolitions qui ont eu lieu dans les années 70 et 80, les normes en matière de protection du patrimoine sont devenues plus strictes », explique Sonja Gengler, directrice de la Direction de l’Architecte de la Ville de Luxembourg. Le boulevard Royal illustre à lui seul un plan d’aménagement décrié qui, à cette époque, a fait disparaître de nombreuses villas bourgeoises. Aujourd’hui, les nouveaux chantiers se situent en périphérie de la zone historique (à quelques mètres seulement) comme le projet Royal-Hamilius, un complexe mixte de 36 000 m2 avec bureaux, logements, parking, restaurants et boutiques, dont la Fnac et les Galeries Lafayette, le tout dans un ensemble signé par le célèbre bureau d’architectes Foster + Partners. L’ouverture est prévue cette année.

Le Skatepark Peitruss et le Musée d’art moderne Grand-Duc Jean.
Le Skatepark Peitruss et le Musée d’art moderne Grand-Duc Jean. joan-oger-Christian Aschman

Dans le quartier d’affaires Kirchberg, la transition est également en cours. Le nouveau projet d’aménagement, présenté en mars 2018 par le fonds qui gère le quartier, prévoit d’augmenter le nombre de résidents. Ils ne sont aujourd’hui que 3 600 pour 38 000 actifs, dans une zone immense qui ne compte que des institutions européennes, des sièges de banques et de compagnies d’assurance et un centre commercial. « Ce qui est particulier au Luxembourg, c’est que de par la taille de notre pays, les politiques nationales et municipales sont fortement liées, poursuit Sonja Gengler. Pour ce qui est de Kirchberg, c’est un fonds dépendant du gouvernement qui gère le développement du quartier depuis 1961, lorsqu’il a fallu implanter les futures administrations de l’Europe. A l’époque, personne n’imaginait ce que cela allait devenir. Il est vrai que les relations entre le fonds et la ville ne furent pas toujours bonnes, mais nous travaillons maintenant de concert, et lorsque, par exemple, un concours d’architecture est lancé, nous avons systématiquement une place dans le jury. Kirchberg représente toutefois le sommet du déséquilibre entre emploi et logements. Nous savons que nous devons en créer, mais faute de terrains, il nous faudra attendre très longtemps avant de rétablir la situation. »

Dans ce pays qui n’a jamais connu la crise, mais qui dépend fortement de décisions qui ne lui appartiennent pas, comme le Brexit, augmenter la population résidente reste un enjeu crucial. Au-delà de Kirchberg, de nouveaux centres périurbains émergent, comme Gasperich, situé dans le sud de la ville, un vaste chantier de construction bien visible lorsqu’on arrive en train. Un site propice aux investissements immobiliers, où se bâtissent actuellement un centre commercial – le plus grand du Luxembourg –, le campus de l’école et du lycée français Vauban, des immeubles résidentiels, et où siègent déjà de grandes entreprises comme les cabinets d’audit PWC ou Deloitte. On prévoit un doublement de sa population d’ici à 2026, soit 6 000 habitants de plus qu’aujourd’hui.

Près de Berdorf, dans le nord du Grand-Duché.
Près de Berdorf, dans le nord du Grand-Duché. DR

Logements, nouvelles lignes de tramway, écoles internationales, équipements sportifs et culturels… tout est mis en place pour attirer encore plus de résidents. A ces efforts s’ajoutent des mesures afin de faciliter l’obtention de la nationalité luxembourgeoise. La loi de 2017 permet son attribution automatique à une personne majeure née au Luxembourg y ayant habité régulièrement cinq années consécutives juste avant sa majorité ou dont l’un des parents y a vécu pendant au moins douze mois d’affilé précédant sa naissance.

Plus étonnant : une procédure de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise permet à un demandeur de l’obtenir en prouvant qu’il a un ancêtre en ligne directe qui était Luxembourgeois le 1er janvier 1900. Des voyages sont même organisés dans le seul but de permettre à des Américains de déposer leur demande. Viendront-ils y résider ? Pas sûr. Mais avoir en main le passeport laisse une possibilité d’échappatoire en cas de crise. Avec un PIB le plus élevé d’Europe, de nombreuses perspectives d’emploi et de bons salaires, le Luxembourg jouit et jouira encore d’un excellent pouvoir d’attraction.

Château de Bourscheid.
Château de Bourscheid. Marc Marchal

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