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La ville de demain sera intelligente.
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A quoi ressemblera la Smart City de demain ? – Intelligente 1/3

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Entre fantasme et réalité, espoir et crainte, on peut se figurer les cités du futur comme un paradis vert ou un enfer orwellien. La ville sera, de toute façon, de plus en plus intelligente et hyperconnectée. Mais à qui cela profitera-t-il ?

« La plupart des mégapoles seront saturées de milliards de capteurs capables de communiquer entre eux », souligne Howard Rheingold, auteur de Foules intelligentes (M21 Editions). Toutes les villes du monde, quelle que soit leur situation géographique, sont déjà confrontées à des défis semblables. La déferlante du numérique – à travers Internet et la multiplication des écrans, l’open data –, la géolocalisation et l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) dans les smartphones sont au cœur de la révolution urbaine.

Missionné par la Ville de Paris, l’architecte Vincent Callebaut a imaginé la capitale française en 2050 : ici, la Gare du Nord avec des tours photosensibles enracinées sur des quais piézoélectriques. Son projet, « Paris Smart City 2050 », doit permettre de réduire de 75 % les émissions de gaz à effet de serre.
Missionné par la Ville de Paris, l’architecte Vincent Callebaut a imaginé la capitale française en 2050 : ici, la Gare du Nord avec des tours photosensibles enracinées sur des quais piézoélectriques. Son projet, « Paris Smart City 2050 », doit permettre de réduire de 75 % les émissions de gaz à effet de serre. Vincent Callebaut Archibiotecte

Dans la mégapole des années 2040, l’outil technique ne sera presque plus visible, il se dissoudra dans l’environnement. Le designer Adam Greenfield appelle ce lien vers le futur l’ « everyware ». Pour ce dernier, « la puissance de traitement informatique sera tellement omniprésente dans notre environnement que les ordinateurs auront disparu ». Un qualificatif, désormais installé dans le vocable « techno », suffit à cerner l’horizon de l’every­ware : le mot « smart ». Tout un programme ! Ses applications sont très variées : de la mobilité à la planification urbaine, de l’accès aux énergies renouvelables à la qualité de vie, de l’habitat écologique à la démocratie locale.

La smart city, une ville intelligente et connectée

Elles fournissent un cadre domotique pour faciliter la vie de ses habitants. Pour faire court, la ville dite « intelligente » est supposée gérer les infrastructures communicantes, les rendre plus efficaces en automatisant leurs fonctions pour améliorer la qualité de vie des citoyens.

Déjà, de nouveaux ensembles modulables se multiplient, qui allient matériaux de construction énergétiques et réseaux électriques intelligents. Emergent des quartiers numérisés où la circulation est fluide, avec des rues et des carrefours où les voitures et les transports publics ne polluent pas. La smart city est là, sous nos yeux, à Barcelone, à Canton, à Nantes ou à HafenCity, le quartier du port de Hambourg. Elle multiplie les « bips », les items et les data.

La smart city est aussi un marché naissant sur lequel se placent de grands groupes comme IBM, ­Microsoft, Cisco, Siemens… Last but not least, dans sa version ombre et lumière, la smart city est une ville conçue ex nihilo, à la fois laboratoire, ville pilote et miroir aux alouettes.

Des expériences inédites, fascinantes pour certains, inhumaines pour d’autres, se multiplient : à New Songdo, en Corée ; à Masdar, aux Emirats arabes unis ; à Forest City, en Malaisie ; ou encore à T-City Friedrichshafen, en Allemagne… Peut-être trop illusoires, affirment les architectes et les urbanistes, effrayés par tant de débordement marketing, d’informatique et d’argent. « Personne ne veut d’une ville trop intelligente », soutient le sociologue Richard Sennett, de la London School of Economics.

La ville connectée est-elle compatible avec le respect de la vie privée ?

Résolument futuristes, ces effets spéciaux urbains, ces tours gigantesques et ces façades végétalisées sont pourvues d’équipements technologiques dernier cri. Toutes les fonctions numériques de la smart city y ont été prises en compte. Le cyber règne en maître. Comme le décrit l’architecte Florence Lipsky dans une tribune du Huffington Post, au risque de promouvoir la ville froide, opérationnelle et sans âme, « ce n’est donc plus de la science-fiction, mais de la prospective scientifique et sociologique que d’écrire que les villes de demain seront pilotées par un ordinateur qui sera, lui-même, un membre décisionnaire parmi les humains. (…) Désormais, des drones savent poser des briques pour créer des formes architecturales non standards, la voiture électrique est sans conducteur, des algorithmes permettent de simuler le fonctionnement des villes en faisant des hypothèses de développement urbain. »

Et Laurent Vigneau, vice-­président de la Société française des urbanistes (SFU) et directeur de l’innovation Ville et Transport chez Artelia, de s’interroger : « Les villes comme New Songdo, Masdar ou Forest City sont des modèles controversés. Est-il possible de vivre dans une ville déjà entièrement numérisée ? La smart city laisse-t-elle de la place à l’aléa ? »

La maquette de Forest City, trônant au milieu du hall d’exposition, montre les quatre îles de cet ensemble situé dans le détroit de Johor.
La maquette de Forest City, trônant au milieu du hall d’exposition, montre les quatre îles de cet ensemble situé dans le détroit de Johor. DR

De son côté, Thierry Marcou, responsable du programme Audacities, à la Fondation Internet nouvelle génération (FING), s’inquiète du manque de réflexion critique sur le basculement urbain vers le tout-numérique. Selon lui, le scénario smart city n’est pas au point. Le fonctionnement de la vie citadine et des services urbains a été imaginé en dehors de toute stratégie, sans concertation avec les acteurs de la ville de demain, en particulier les entreprises dont le métier est de penser le collaboratif (Waze, Mappy, Orange, Airbnb, BlaBlaCar…), les pouvoirs publics et les usagers eux-mêmes. Bref, la centralisation toujours plus poussée des data fait craindre un scénario à la « Big Brother ».

Bardée de dispositifs numériques qui assurent la circulation des données, la smart city peut améliorer la vie des citadins en offrant de l’information en temps réel. Mais, avec ses capteurs et sa puissance de collecte, elle soulève la question dérangeante de l’accès aux données personnelles. Elle peut en effet surveiller, géolocaliser et, de fait, déresponsabiliser, reprochent les urbanistes à l’unisson.

Si la promesse de la ville numérique est d’utiliser la technique pour procurer plus de confort, peut-elle, dans le même temps, apporter des solutions aux problèmes comme la précarité et les inégalités ? Des entreprises réunies dans l’écosystème Tech for Good ont cette ambition : « Utiliser à plein les nouvelles technologies pour essayer de faire une différence et de rendre nos villes moins dures. »

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