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Chaussures made in France, une histoire de main

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Le made in France est une carte maîtresse, mais les nombreuses opérations manuelles, les savoir-faire spécifiques en fonction des types de chaussures et la raréfaction des entreprises compliquent son développement. Toutefois, l’optimisme règne entre création d’ateliers et reprise en main de belles marques.

« La filière des chaussures made in France est basée sur une histoire industrielle, parfois familiale, et sur des savoir-faire différents », résume Clémentine Colin-Richard, administratrice de l’entreprise Richard-Pontvert, et présidente de la Fédération française de la chaussure (FFC).

Devant un bilan en baisse – en partie dû à la crise sanitaire –, et parmi mille préoccupations, le secteur s’intéresse désormais au made in France, label vendeur pour des clients friands de produits « locaux » et de qualité mâtinés de touches fashion.

Aussi, chacun affiche son soulagement devant le fléchissement de l’érosion de la filière des chaussures made in France.

Reste en effet une centaine de survivantes pour environ 200 marques, et quelques raisons d’espérer. À l’image de Paraboot, qui a construit une usine flambant neuve il y a cinq ans. Ou, plus étonnant, le segment de la chaussure de sport, quasi-monopole asiatique, qui décroche un passeport ardéchois grâce au groupe textile Chamatex. Celui- ci a récemment créé, pour 10 millions d’euros, une unité automatisée – Advanced Shoes Factory 4.0 –, en partenariat avec Salomon, Millet et Babolat.

L’artiste Inès Hadj-Hacène a imaginé une version all white des célèbres mocassins Orsay de Paraboot.
L’artiste Inès Hadj-Hacène a imaginé une version all white des célèbres mocassins Orsay de Paraboot. DR

« Decathlon devrait aussi les rejoindre. De même, des entreprises indépendantes se portent bien, tel Humeau-Beaupréau (Méduse et bottes), à Cholet. Ou elles se modernisent, comme Le Soulor, dans le Béarn, reconnue pour ses chaussures de randonnée, et La Botte Gardiane, en Camargue », se félicite Clémentine Colin- Richard.

Ajoutons la Maison Felger, en Bretagne, remontée par deux passionnés autour du soulier masculin personnalisé. Côté industriel, on trouve les incontournables Mephisto, J.M. Weston, Arche, Paraboot, French Legacy Group, Eram, Aigle ou Manbow. Certains aimeraient augmenter la part de la production française, mais des freins entravent la croissance : le coût des investissements en robotisation et automatisation et le recrutement.

« Travailler en usine n’est pas valorisé, et il y a des efforts à faire côté carrière et rémunération. Néanmoins, grâce à l’automatisation, certaines tâches sont moins pénibles et des jeunes pourraient être séduits, estime la présidente de la FFC. Pour produire plus, nous devons aussi réfléchir à la sous-traitance, or ce n’est pas une habitude française. De plus, notre écosystème manque de fabricants de semelles, lacets, œillets, car les matières viennent de l’étranger. La sous-traitance est un sujet d’importance pour la FFC, d’où ce projet commun avec l’organisme Au Delà du Cuir : cartographier les ateliers français qui acceptent de fabriquer pour des créateurs en petites quantités, comme Joseph Malinge, chausseur de luxe à Cholet. »

Dessiné en 1946 par son fondateur Édouard Blanchard, le 180 de J.M. Weston est la version française du penny loafer américain.
Dessiné en 1946 par son fondateur Édouard Blanchard, le 180 de J.M. Weston est la version française du penny loafer américain. Inés Maestre

La fédération se soucie également du sort des tanneries et des mégisseries.

En France, elles sont une quarantaine positionnées sur le très haut de gamme, grâce à l’univers du luxe (Chanel, Hermès, Louis Vuitton) qui a sécurisé cette ressource en rachetant les plus belles, tout en ancrant les savoir-faire sur notre sol.

La croissance de la filière passe aussi par l’e-commerce (30 % des ventes). « Les boutiques deviennent un support complémentaire. Spartoo, distributeur 100 % online, a racheté des marques qui ont un parc de boutiques. Idem pour Caval, marque de sneakers en ligne avec un point de vente physique en grand magasin », explique Clémentine Colin-Richard.

Dernier investissement, et pas des moindres : l’environnement. Des actions sont mises en place, mais reste à expliquer aux addicts de la basket jetable que les souliers en cuir cousu ne sont pas réservés aux darons ! Ils durent d’autant plus qu’ils sont (beaux et) réparables par un cordonnier !

Le made in France en 2020

• Chiffre d’affaires (données FFC) : 567 M €, dont 1/3 à l’international.
• Nombre d’entreprises : 86.
• Effectif : 3 873 personnes.
• Production : 14,1 M de paires.
• Vous avez dit « fait main » ? Fabriquer des souliers cousus cuir nécessite jusqu’à 150 opérations manuelles.
• CA par région : Nouvelle‑Aquitaine (29 %), Pays de la Loire (24 %), Grand Est (22 %), Occitanie (10 %), Auvergne‑Rhône‑Alpes (7 %).


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