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The Good Business

Mode : Made in France, plus qu’un label, une promesse !

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La notoriété d’une marque ne suffit souvent plus pour séduire les consommateurs. Il faut désormais leur raconter une histoire. Qui colle avec des envies plus responsables, et surtout avec l’idée qu’on peut se faire de son engagement tant social qu’environnemental. Alors, forcément, pour beaucoup, le made in France est plus qu’un atout !

L’export représente un réel moteur de croissance pour une entreprise, à condition d’avoir des nerfs d’acier. D’autant plus que les profonds bouleversements en cours ­exigent de sérieux repositionnements. Le numérique s’est invité massivement quand toutes les occasions physiques d’exposer sa marque ont fermé, comme en témoigne la fashion week d’octobre à Paris 100 % digitale : 18 millions de vues pour certains défilés sur Twitter ! ­Bilinguisme, liens e-commerces, e-vitrines ou sélection des produits, l’investissement sur le numérique devient l’évidence. Revoir sa fabrication est une autre piste de réflexion. La mode made in France jouit toujours d’une belle image de qualité et de créativité et de nombreuses marques misent à fond sur lui pour séduire hors de nos frontières.

La vogue du bleu, blanc, rouge

« Le phénomène est suffisamment profond pour que de grandes entreprises se posent ces questions, accélérées par la période actuelle. Il faut en fait distinguer deux types de sociétés : celles qui fabriquent historiquement en France – chaussure ou habillement – et les nouvelles avec atelier intégré spécialisées en mode masculine, comme Tuffery, La Gentle Factory ou les jeans 1083 », rappelle Marc Pradal, président de l’Union française des industries mode et habillement (UFIMH).

À la tête de Kiplay, fondée en 1921, cet industriel a relocalisé toute sa production en 2015, fabriquant désormais dans l’Orne aussi bien la collection Kiplay ­Vintage que celle destinée aux professionnels du workwear convertis au made in France. « C’est grâce à cette agilité combinée à des outils de production modernisés que nous survivrons, insiste Marc Pradal. Même plus cher, le made in France devrait s’amplifier sur certains segments comme le sportswear, d’autant que les marques qui vendent en direct sur le Net s’y retrouvent. » 

Enfin, le mass market est en mauvaise ­position et la balance penche en faveur de petites marques, éthiques, ­durables, construites en circuit court. Une tendance propice à une fabrication relocalisée. Ce constat est partagé par Alain Bentéjac, président des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCE) : « La logique intelligente est d’associer l’excellence de notre design et la proximité des ateliers, un réel atout, comme le prouve le remarquable positionnement italien : des marques fortes, incarnées, une production locale orientée sur des produits excellents et bien ciblés. » 

La mode du made in France engendre l’explosion des commandes dans les ateliers (trésors survivants des vagues de délocalisations), tandis que des usines rapatrient leurs lignes emblématiques ou s’agrandissent pour prendre des commandes.

Veste de travail Kiplay Vintage, marque dirigée par Marc Pradal, également président de l’Union française des industries mode et habillement (UFIMH).
Veste de travail Kiplay Vintage, marque dirigée par Marc Pradal, également président de l’Union française des industries mode et habillement (UFIMH). DR

L’article bleu, blanc, rouge a vocation à faire briller à l’export la qualité française. Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut français de la mode (IFM), ne dit pas autre chose : « Les marques ont envie d’aller dans ce sens, à l’exemple de La Redoute et sa collection capsule Made In Roubaix. Parallèlement à l’alimentaire, on constate un mouvement de fond d’écoresponsabilité dans la mode, notamment en Allemagne et en Angleterre. Le fabriqué en France a encore une saveur particulière qu’il convient de capitaliser à l’étranger, d’autant que l’univers du luxe est une locomotive des exportations. À cet égard, la Chine, avec son taux de croissance stupéfiant, me semble l’un des grands marchés d’avenir. »

Où exporter la mode made in France ?

La Chine représente en effet 33 % de la consommation du luxe mondial et les millennials (les 18-35-ans) constituent 55 % des consommateurs les plus dynamiques de l’univers du luxe.

En revanche, d’autres contrées remplies de promesses ont du mal à mobiliser : le Nigéria, le Mexique (deuxième économie d’Amérique latine) ou la Colombie. Ces pays ont pourtant signé avec la France des accords de libre-échange, donc les frais de douane y sont quasi nuls.

L’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Indonésie) reste à débroussailler, mais les réticences sont fortes par méconnaissance des territoires et de leur culture, bien que les marques de luxe y soient premières de cordée. Enfin, il existe des marchés de croissance près de chez nous : l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie ou les Pays-Bas.

« Une stratégie d’export bien menée commence… en France. La démarche décousue est toujours une perte de temps, d’énergie et d’argent », prévient Sébastien Vicente, chef du service Art de vivre au sein de l’agence publique Business France. Restructuré il y a deux ans, performant, bras armé du commerce international, l’organisme est un filet de sécurité pour les entreprises qui veulent développer leur attractivité à l’étranger.

« Nous offrons un accompagnement via notre réseau de 250 conseillers basés sur le territoire, en plus de 1 000 autres disséminés dans 50 pays », ajoute-t-il. Le panel de services comprend aussi site Internet, plaquettes en anglais, diagnostic export pour prioriser les marchés et éviter de vendre un parapluie à un canard. De plus, le dispositif offre la mise en relation à l’étranger pour dénicher partenaire et agent, distributeur ou prescripteur, tout en mettant également le pied à l’étrier dans des pays moins connus.

Et puisque le digital est le nerf de la guerre, Business France promeut le savoir-faire français sur ses quatre plates-formes de vente à destination des professionnels de la mode. «Notre approche sectorielle fait que chaque TPE, PME ou ETI a son conseiller près de chez elle, ce qui favorise une relation interprofessionnelle de confiance et décentralisée », précise Sébastien Vicente.

Ajoutons à cela le système des chèques relance export du gouvernement cumulables, soit 19 000 euros pour une entreprise qui a un projet sur des marchés extérieurs. Enfin, l’organisme abrite sous son parapluie officiel les voyages commerciaux groupés et des missions pour un seul prospecteur. Une équipe, une bannière, le poids de l’État, le message se veut fort.

Éric Bacheré, directeur général de la marque de doudounes et couettes en duvet Pyrenex.
Éric Bacheré, directeur général de la marque de doudounes et couettes en duvet Pyrenex. Pauline Roussely

S’adresser au monde entier

Connaissance du terrain, partage des réseaux et des carnets d’adresses, pavillons tricolores installés dans le pays visé, les actions sont nombreuses et croisées. La Fédération de la haute couture et de la mode se consacre ainsi aux créateurs.

Son responsable « initiative marques émergentes », Serge Carreira, explique : « La particularité des jeunes créateurs de mode est de s’adresser au monde entier depuis leur marché de base, à Paris. De 75 à 90 % de leur chiffre d’affaires provient de l’export, grâce aux distributeurs mondiaux et sélectifs par nature. La collection qui défile durant la fashion-week est exposée dans le showroom de la Fédération qui y invite les principaux distributeurs mondiaux. Jacquemus a ainsi été vendu à l’étranger avant de l’être en France. » 

Ces marques de niche plantent en général leurs jalons sur des sites de luxe tels que Mytheresa, Net-a-porter, SSense ou Yoox. Pour elles, le Japon et la Corée du Sud sont aussi des terres d’accueil traditionnelles, comme les États-Unis. Mais il n’y a pas que les créateurs qui s’exportent.

La toute récente plate-forme bilingue Ma Boutique française abrite plus de 200 marques nationales. Judith Lacroix, sa fondatrice, vient de mettre un orteil au Japon, développant un site avec un partenaire nippon qui l’a repérée à la télé ! Voilà, la boucle bien bouclée.


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