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Lyon, futur hub de la santé

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Lyon a réussi à développer un écosystème compétitif au rayonnement international dans le domaine des sciences de la vie et de la santé. Au sein d’un pôle de compétitivité innovant, chercheurs, leaders industriels, PME et start‑up se penchent sur ce que sera la médecine de demain.

Créé en 1903, à Lyon, le laboratoire pharmaceutique indépendant Aguettant s’est spécialisé dans le développement, l’industrialisation et la commercialisation de produits injectables utilisés à l’hôpital, et notamment en anesthésie et réanimation. L’entreprise familiale vient d’être mise à l’honneur, en décembre 2020, dans le cadre du plan de relance de l’économie visant à assurer la souveraineté industrielle française dans un contexte de crise sanitaire. La production de ces médicaments à injecter est redevenue essentielle aux yeux des pouvoirs publics. Le cas du laboratoire Aguettant est exemplaire, à la fois de l’inscription traditionnelle du secteur de la santé dans la métropole de Lyon, et de son dynamisme actuel.

L’industrie pharmaceutique, issue de l’officine, de la droguerie et de l’industrie chimique, naît au XIXe siècle. Les premières usines s’implantent à Lyon du fait de la présence de l’industrie chimique, d’une situation géographique favorable permettant les échanges commerciaux et d’une main-d’œuvre qualifiée. Par ailleurs, la capitale des Gaules jouit d’une tradition d’excellence médicale qui remonte à la Renaissance, au moment où l’essor marchand et la prospérité économique de la ville lui permettent d’ouvrir des établissements hospitaliers comme l’Hôtel-Dieu et la Charité.

La métropole e Lyon accueille de gros sites de production d’acteurs clés comme Boehringer Ingelheim.
La métropole e Lyon accueille de gros sites de production d’acteurs clés comme Boehringer Ingelheim. scau-architecture-photo-wearecontents

Dès lors, de nombreux pionniers de la médecine contribuent à nourrir la réputation de la ville. Au XVIe siècle, François Rabelais enseigne et pratique à ­l’Hôtel-Dieu. Au XXe siècle, Alexandre Lacassagne fonde l’anthropologie criminelle, Louis Léopold Ollier crée la chirurgie orthopédique moderne, Edmond Locard ouvre le premier laboratoire de police scientifique, etc. Quant au biochimiste Marcel Mérieux, ancien élève de Louis Pasteur et assistant d’Émile Roux, il crée l’institut Mérieux dès 1897 et se concentre peu à peu sur la production de sérums et de vaccins.

Une activité pionnière à l’origine de la dynastie médicale et pharmaceutique de la famille Mérieux – BioMérieux est aujourd’hui leader mondial des diagnostics bactériologiques, avec 10 500 collaborateurs dont 3 500 en France, une présence dans plus de 160 pays et un chiffre d’affaires de 2,7 milliards d’euros en 2019. « On identifie généralement un basculement important dans les relations entre santé et marché dans les années 80, avec le concept du New Public Management, où les techniques de management de la sphère privée sont appliquées à la sphère publique, explique Alexis Jeamet, ­enseignant‑chercheur à l’université Paris‑13 de Villetaneuse. Ensuite, l’adoption dans les années 2000 de la tarification de l’activité (T2A) en France accélère les processus de marchandisation. Pour créer un marché, il faut des produits à échanger, et la T2A conduit à une standardisation du soin. Ce dernier est ainsi associé à une activité associée à un type de patient associé enfin à une rémunération. La sphère privée se développe en conséquence par la possibilité de mise en concurrence des différentes structures. On assiste à une appropriation de certains types de soins pendant que les gros risques restent gérés par la sphère publique. C’est ainsi que la santé finit par être industrialisée. »

Erick Lelouche, président de Boehringer Ingelheim.
Erick Lelouche, président de Boehringer Ingelheim. marine-gonard

Aujourd’hui, la santé représente un marché mondial de plus de 900 milliards d’euros, dominée par les produits pharmaceutiques (55 %), suivis des dispositifs médicaux (18 %), des biotechs (14 %), des systèmes d’information dédiés (9 %) et de la nutrition (4 %). En France, l’industrie pharmaceutique réalise un chiffre d’affaires de 60 milliards d’euros en 2019, dont 50 % à l’export. Le pays se classe cinquième au niveau mondial dans la production et quatrième au sein de l’Union européenne en 2017. C’est dans ce contexte que la métropole de Lyon est reconnue comme pôle d’excellence dans les domaines de l’infectiologie, l’oncologie, les neurosciences, les technologies médicales ou encore la nutrition.

La région Auvergne-­Rhône-Alpes est la deuxième en France de la filière, après l’Ile-de-France, avec 72 500 emplois dans le secteur des sciences de la vie et de la santé. Elle est aussi le deuxième centre de recherche contre le cancer en France, traitant 27 000 cas chaque année. C’est là que l’Organisation mondiale de la santé implante, en 1969, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), et c’est également à Lyon qu’elle a annoncé, en 2019, établir son futur projet d’Académie de santé. Une contribution supplémentaire au rayonnement international de la métropole.

Lyonbiopôle, pôle de compétitivité

Le secteur de la santé couvre un large spectre d’acteurs dans le Grand Lyon permettant de constituer un écosystème dynamique. En premier lieu, les leaders mondiaux français sont présents : Sanofi Pasteur pour les vaccins humains, Merial pour la santé animale, ­BioMérieux pour les diagnostics in vitro, ou encore Genzyme pour la biotechnologie. On trouve également de grands groupes et labos internationaux comme BASF ou Pfizer, tout comme des PME innovantes telles Platine Pharma Services ou Transgene.

En 2005, la constitution du pôle de compétitivité Lyonbiopôle est une étape fondamentale dans la stratégie de faire de Lyon un véritable hub de santé organisé et compétitif. « Il s’agit d’une initiative partagée, portée par de grands industriels et centres de recherche de la région et de la métropole pour fédérer un réseau d’acteurs, déclare Florence Agostino-Etchetto, directrice générale de Lyonbiopôle. Toutes les composantes pour développer un écosystème étaient présentes sur le territoire : des leaders mondiaux, des PME et des start-up innovantes, mais aussi des acteurs académiques et hospitaliers, ainsi que des infrastructures de R&D. Notre vision de travailler en réseau et de mettre en lien ces différents acteurs pour répondre à de grands enjeux de santé publique, de créer des ponts et de favoriser les partenariats public-privé s’est révélée juste. »

Aujourd’hui, Lyonbiopôle jouit d’un réseau de 245 adhérents, dont plus de 200 PME, 16 ETI et filiales de grands groupes, 19 centres de compétences (CHU, CNRS, universités…), 6 membres fondateurs (Sanofi Pasteur, ­BioMérieux, Boehringer Ingelheim, Becton Dickinson, le CEA et la fondation Mérieux), 7 membres associés (BNP Paribas, KPMG…) et des financeurs publics, comme la Région ou le ministère de l’Économie.

Thomas Triomphe. Vice-Président Exécutif, Sanofi Pasteur.
Thomas Triomphe. Vice-Président Exécutif, Sanofi Pasteur. Jean Chiscano

« Beaucoup d’entreprises et de compétences sont présentes dans le quartier de Gerland, car c’est là qu’historiquement l’activité pharmaceutique s’est développée, poursuit ­Florence Agostino-Etchetto. On y trouve des grands groupes, de nombreuses PME, des installations universitaires et des laboratoires de recherche comme le P4 [haute sécurité, NDLR]. Il s’agit d’un quartier emblématique des sciences de la vie. Il y a également de gros sites de production d’acteurs clés tels que BioMérieux ou Sanofi Pasteur, qui se situent dans l’ouest lyonnais, ou Boehringer Ingelheim, installé à l’est. Un certain nombre d’entreprises sont ensuite réparties sur des pépinières. Par exemple, au sein du quartier Rockefeller, qui est le lieu d’implantation du Bioparc grâce à sa proximité avec les universités et les grands hôpitaux. Il y a un véritable maillage des acteurs ancrés sur tout le territoire. »

Dans le quartier de Gerland, le pôle de compétitivité a également participé à la création d’infrastructures comme Accinov, une plate-forme d’innovation de 6 500 m2 qui vise à couvrir les maillons clés de la chaîne de l’innovation, en amont des développements industriels et commerciaux dans le domaine des biotechs, ou encore ­Bioaster, un institut de recherche technologique indépendant ­spécialisé dans l’infectiologie et la microbiologie de plus de 30 000 m2. Depuis sa création, Lyonbiopôle a ainsi permis le financement de 263 projets, soit un total de 1,3 milliard ­d’euros.

Le site de production de BioMérieux.
Le site de production de BioMérieux. florent-dubray

En 2019, 293 millions d’euros ont été levés par les membres du pôle. « Tous nos membres travaillent sur l’innovation en santé, précise la directrice. Aujourd’hui, elle est surtout portée par de petites entreprises. 80 % d’entre elles sont issues du milieu académique et elles ont besoin d’un accompagnement entrepreneurial. Nous préparons ces structures à rencontrer les bons investisseurs et les accompagnons vers les grands groupes qui porteront ensuite leurs ­produits sur le marché. »

Netri, entreprise créée il y a deux ans et issue du laboratoire du CNRS, gérée par Thibault ­Honegger et Florian Larramendy, est l’une des success-stories de Lyonbiopôle. La société a pour objet d’étude la mécanistique structurelle et fonctionnelle des circuits neuronaux, des troubles neurologiques ou de potentiels nouveaux traitements. Elle conçoit, fabrique et exploite des dispositifs microfluidiques 3D reproduisant des circuits neuronaux biologiques simples et complexes. Logée dans les locaux de Lyonbiopôle, à ­Gerland, elle bénéficie de 70 m2 de salle blanche de microfabrication et de deux laboratoires P2 de culture cellulaire.

Alexandre Mérieux, président directeur général du groupe BioMérieux.
Alexandre Mérieux, président directeur général du groupe BioMérieux. noel-bouchut

La jeune entreprise compte désormais une équipe d’une vingtaine de personnes et commence à travailler avec de grands groupes pharmaceutiques. Dans le contexte d’un marché mondial de la santé extrêmement compétitif, ­Lyonbiopôle entend continuer la consolidation de son écosystème en s’engageant dans des projets d’envergure, comme l’atteste l’annonce faite en janvier 2020 de la création du premier hub mondial en santé publique vétérinaire (HUB VPH) à Lyon.

Cette initiative, qui rassemble acteurs privés et publics du secteur, a pour but de catalyser les forces de la recherche, de l’innovation, de l’éducation et de l’industrie de la région pour répondre aux enjeux de santé publique liés aux épidémies animales à l’échelle mondiale. Elle démontre l’ambition de Lyon de s’inscrire comme territoire d’excellence internationale en matière de santé globale.


Chiffres clés

72 500 emplois à Lyon dans le secteur des sciences de la vie et de la santé, dont 14 700 dans le secteur des biotech‑pharma‑medtech et 57 800 dans la santé humaine (2017).
2 100 établissements employeurs (2018).
1,3 Md € levé par les membres de Lyonbiopôle entre 2013 et 2018.
Auvergne-Rhône-Alpes : 2e région dans le domaine de la santé après l’Ile‑de‑France.
Marché mondial de la santé de 900 Mds € de CA : Amérique du Nord (47,5 %), Europe (23,2 %), Asie‑Pacifique (22,5 %), Amérique latine (4,4 %), Turquie, Eurasie et Moyen‑Orient (1,9 %), et Afrique (0,5 %).
60 Mds € de CA pour l’industrie pharmaceutique en France en 2019, dont 50 % réalisés à l’export.

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