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Horlogerie de luxe : quand le vintage prend le lead

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Réputée pour son conservatisme, l’industrie horlogère voit, depuis quelques années, émerger un second marché : celui de l’occasion. Le secteur tente d’apprivoiser cette nouvelle tendance qui pourrait bien lui offrir de nouveaux horizons et, de facto, lui permettre de conquérir des clients de plus en plus exigeants.

Marché gris, occasion, seconde main, vintage… sont autant d’appellations, souvent dépréciatives, pour désigner ce « nouveau » marché avec lequel l’industrie de l’horlogerie haut de gamme a dû apprendre à composer au cours des cinq dernières années. Une petite révolution dans le monde feutré des maisons suisses, derniers tenants d’un conservatisme désormais en péril. Et ce même si certaines marques de prestige n’ont toujours pas franchi le Rubicon et refusent farouchement de bousculer leurs habitudes.

Mais si le marché de l’occasion a longtemps fait office de repoussoir pour des manufactures engoncées dans leurs certitudes, force est de constater qu’il est désormais devenu incontournable. D’ailleurs, une pièce dite de seconde main, qui a traversé les années, n’est-elle pas le meilleur reflet de la tradition et du savoir-faire d’une entreprise horlogère ?

Et même un véritable pan de son histoire. Une logique à laquelle le potentat du luxe Richemont – propriétaire, notamment, de Cartier, de Jaeger-LeCoultre ainsi que de la manufacture la plus ancienne en activité, Vacheron Constantin – a souscrit en 2018 en mettant la main sur Watchfinder & Co., leader de la vente de montres d’occasion. Adossée au bulldozer Richemont, cette société de ventes en ligne – ou par le biais de showrooms, dont un a récemment ouvert au pied des Champs- Elysées – propose à tout un chacun de s’offrir des modèles emblématiques de marques iconiques telles que Rolex, Omega, Breitling, Longines, TAG Heuer ou encore Cartier.

Certaines marques emblématiques de l’horlogerie de luxe sont très recherchées par les collectionneurs et déchaînent les passions lors de ventes aux enchères. C’est notamment le cas de maisons comme Rolex.
Certaines marques emblématiques de l’horlogerie de luxe sont très recherchées par les collectionneurs et déchaînent les passions lors de ventes aux enchères. C’est notamment le cas de maisons comme Rolex. DR

« Désormais, l’acquisition de montres de luxe n’est plus réservée à un petit cercle de connaisseurs. Un jeune diplômé, un jeune actif peut maintenant s’offrir une montre à un prix bien plus abordable que ceux pratiqués sur le marché du neuf. Watchfinder œuvre, à sa manière, pour la démocratisation de ce marché », développe Adrien Fourlégnie, directeur France de Watchfinder & Co. De nouveaux clients, attirés par des prix résolument attractifs, mais également par un service d’accompagnement de pointe. Ainsi, chaque montre reçue fait l’objet d’un contrôle rigoureux quant à son authenticité et à son état général avant d’être proposée à la vente. En outre, la montre contrôlée, par une équipe technique de 20 horlogers, reçoit une garantie de douze mois en témoignage de son bon fonctionnement.

Horlogerie vintage, de nouveaux clients exigeants

Divers garde-fous qui rassurent une nouvelle clientèle qui, si elle ne possède pas un bagage culturel horloger aussi pointu que celui de collectionneurs plus érudits, place le curseur de l’exigence de plus en plus haut. « Ces nouveaux consommateurs ne vont plus se laisser berner par des recettes éculées de l’industrie, comme les séries limitées tous azimuts, chaque saison, abonde Marc Montagne, observateur avisé du secteur et fondateur du podcast « Répétition Minute » qui revient sur les grandes heures de l’horlogerie. Désormais, cette nouvelle clientèle s’intéresse à la mécanique, se renseigne sur le degré de finition du mouvement, par exemple. »

Une ouverture vers ce second marché qui n’est pas exempte de dérives. Des effets pervers dénoncés par Didier Gottardini, propriétaire du magasin Les Heures suisses, entité certifiée par la fondation de la haute horlogerie de Genève, située dans le 16e arrondissement de Paris. « Malheureusement, je suis parfois confronté, dans ma boutique, à des personnes qui n’ont pas la moindre connaissance en horlogerie et qui veulent juste faire un bon investissement. Conséquence : la montre passe ses journées dans un coffre et ne reverra le jour que pour être revendue plus chère », déplore le professionnel.

Certaines marques emblématiques de l’horlogerie de luxe sont très recherchées par les collectionneurs et déchaînent les passions lors de ventes aux enchères. c’est notamment le cas de maisons comme Vacheron Constantin.
Certaines marques emblématiques de l’horlogerie de luxe sont très recherchées par les collectionneurs et déchaînent les passions lors de ventes aux enchères. c’est notamment le cas de maisons comme Vacheron Constantin. DR

Une conception romantique à rebours d’une industrie où la bataille fait rage, au sein du club des sept que forment Rolex, Cartier, Omega, Longines, Patek Philippe, Audemars Piguet et Tissot, dont le chiffre d’affaires annuel dépasse, pour chacune de ces maisons, le milliard de francs suisses. Un peloton qui détient à lui seul 57 % des parts de marché de l’ensemble de l’industrie horlogère, dont 23 % pour le champion Rolex.

En outre, l’horlogerie suisse engendre 5 milliards d’euros de bénéfices au total, selon une étude de la banque américaine Morgan Stanley. La firme à la couronne s’est d’ailleurs distinguée sur le marché du vintage, fin juillet 2020, en établissant un nouveau record grâce à son modèle Cosmograph Daytona John Player Special, qui a trouvé acquéreur, via la maison d’enchères Sotheby’s, pour la bagatelle de 1,54 million de dollars. Soit la montre la plus chère jamais vendue au Royaume-Uni, loin de son estimation initiale, oscillant entre 400 000 et 800 000 dollars. Signe que l’appétence des collectionneurs demeure intacte, malgré une conjoncture difficile.

Montres Cartier de collection.
Montres Cartier de collection. DR

Les marques veillent…

Dans ce contexte, avec un marché de l’occasion de 5 à 10 fois supérieur à celui du neuf, selon les propos du président d’Audemars Piguet, François-Henry Bennahmias, en première ligne sur cette thématique, les marques veillent au grain, même les plus rétives à cette plongée dans ce second marché. Et le constat est sans appel, comme nous l’a fait remarquer un expert en horlogerie en poste chez l’un des sept grands et ayant souhaité conserver l’anonymat : « Les maisons les plus prestigieuses veillent au maintien de leur cote sur le marché secondaire. Elles y sont particulièrement attentives et créent volontairement de la rareté sur certaines de leurs collections pour s’en assurer. »

Quatre rares Patek Philippe de la collection privée de Jean-Claude Biver, grand nom de l’industrie horlogère, vendues l’été dernier À Genève pour un total de plus de 8 M€.
Quatre rares Patek Philippe de la collection privée de Jean-Claude Biver, grand nom de l’industrie horlogère, vendues l’été dernier À Genève pour un total de plus de 8 M€. DR

Et de citer, pêle-mêle, la Nautilus de Patek Philippe, la Royal Oak d’Audemars Piguet, la GMT- Master II Pepsi, la Daytona ou encore la Submariner Hulk de chez Rolex… « Ce sont aujourd’hui les valeurs sûres des collectionneurs », poursuit l’expert. Des aficionados qui ont apprécié, comme il se doit, la nouvelle déclinaison de l’iconique modèle Submariner – première montre garantie étanche jusqu’à 100 mètres de profondeur – présentée par Rolex, au début du mois de septembre 2020. Et permettre au leader mondial d’asseoir encore davantage sa suprématie avec un retour aux fondamentaux rassurant en ces temps troublés pour l’industrie.


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