×
Transports : la Belgique, carrefour de l'Europe - The Good Life
Transports : la Belgique, carrefour de l'Europe - The Good Life
jchassagne

The Good Business

Transports : la Belgique, carrefour de l’Europe

The Good Business

La Belgique redistribue les flots de marchandises arrivant aux ports d’Anvers et de Zeebruges dans toute l’Europe, grâce à des réseaux de canaux, de voies ferrées et de routes d’une incroyable densité. Mais la primauté donnée au transport par camion l’asphyxie…

C’est Roger Brunet qui a inventé, dans les années 70, le concept de « mégalopole européenne » pour désigner le large couloir de forme courbe, très peuplé et urbanisé, qui s’étend de Londres jusqu’à Milan en passant par la Belgique. Pour ce géographe spécialiste des dynamiques des territoires, la mégalopole européenne, centrée sur l’Allemagne rhénane et le Benelux, est ancrée dans les échanges mondiaux grâce à son réseau dense d’infrastructures de transport et aux grands ports de la mer du Nord (Anvers, Rotterdam, Hambourg…).

Popularisée sous le nom de « banane bleue », désignant la forme de la mégalopole, sa trouvaille est cependant critiquée par d’autres géographes. L’un d’eux, Guy Baudelle, évoque pour sa part une mégalopole européenne plus complexe, surnommée « la pieuvre rouge », dont le corps recouvre la Belgique, l’ouest de l’Allemagne et la Suisse, et les tentacules se déploient jusqu’à Stockholm, Manchester, Varsovie, Budapest et Barcelone.

Roger Brunet n’est pas d’accord pour inclure ces villes excentrées. En 1998, il révise son idée initiale et resserre au contraire la mégalopole sur « le club des grandes villes de l’Europe du Nord-Ouest qui ont à la fois l’argent, la puissance et la proximité ». Il dessine alors un anneau en forme d’ellipse passant par Paris, Londres, Amsterdam, Cologne, Francfort, Stuttgart et Zurich.

Le réseau routier de la Belgique, qui comprend 1 730 kilomètres d’autoroutes, est le plus dense de la planète.
Le réseau routier de la Belgique, qui comprend 1 730 kilomètres d’autoroutes, est le plus dense de la planète. boaz-rottem-alamy-stock-photo

La Belgique au cœur de la pieuvre

Cette fois, la Belgique n’est pas seulement proche du centre de la banane bleue ou de la pieuvre rouge, mais Bruxelles est l’un des deux foyers du « Ring » (le nom de cette nouvelle mégalopole), l’autre étant Strasbourg. Soit les sièges de la Commission européenne et du Parlement européen…

Cette idée que la Belgique représente le cœur de l’Europe s’est imposée dès le XIIe siècle, lorsque la région devient le théâtre de la naissance du capitalisme. Un raz-de-marée donne alors à la ville de Bruges un accès direct à la mer, ce qui la transforme en plaque tournante portuaire et commerciale entre la Baltique (Lübeck, Hambourg…), Londres et la Méditerranée (Venise et Gênes).

Anvers, « le nombril de l’univers européen »

Bruges construit un réseau de canaux permettant d’acheminer les marchandises transbordées au port vers l’intérieur des terres. Au XIVe siècle, elle devient l’épicentre des échanges commerciaux et de la finance en Europe, et développe une activité de change et d’escompte sur la place de la Bourse, du nom de la famille patricienne Van der Beurse.

Lorsque le port s’ensable, à la fin du XIVe siècle, Anvers prend le relais. Jusqu’en 1570, la ville reçoit l’argent et le cuivre des mines allemandes, la laine d’Angleterre, le poivre et les épices des Indes, puis l’or et l’argent en provenance d’Amérique, et les redistribue dans toute l’Europe. Anvers exporte aussi les draps sortant des ateliers textiles de la Flandre, les plus performants du monde. La cité est, à l’époque, selon la formule de l’historien Fernand Braudel, « le nombril de l’univers européen ».

La Maison du Port, Anvers.
La Maison du Port, Anvers. Bérénice Debras

A Bruxelles, 44 h/an perdues dans les bouchons

Après une éclipse jusqu’au début du XIXe siècle – qui voit Napoléon agrandir le port d’Anvers, la révolution industrielle dynamiser les échanges internationaux et le nouvel Etat belge ériger la politique des transports en priorité nationale –, la Belgique a aujourd’hui retrouvé (aux côtés des Pays-Bas) son rôle de carrefour commercial et logistique de l’Europe.

Ce pays, d’une surface inférieure à celle de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, dispose de 1 530 kilomètres de voies navigables, et de 3 600 kilomètres de voies ferrées (soit le deuxième réseau le plus dense du monde, derrière la Tchéquie).

Quant à son réseau routier, qui comprend 1 730 kilomètres d’autoroutes, c’est le plus dense de la planète. Mais la priorité accordée à la voiture pour les déplacements personnels, et la primauté des camions pour transporter l’énorme volume de fret traité par les ports d’Anvers et de Zeebruges ou transitant par la Belgique, génèrent une congestion des axes routiers hors norme.

Malgré la taille réduite de son agglomération, Bruxelles est la ville dans laquelle les automobilistes perdent le plus de temps dans les embouteillages en Europe de l’Ouest, devant Londres et Paris. Selon la Fédération des entreprises de Belgique, le coût des retards (44 heures perdues en moyenne chaque année par automobiliste) atteint plus de 4 milliards d’euros par an, soit 1 % du PIB belge.

En Belgique, la voiture représente 75 % à 83 % des déplacements personnels selon les régions.
En Belgique, la voiture représente 75 % à 83 % des déplacements personnels selon les régions. Aurélien Jeanney

Augmenter la part du transport fluvial de marchandises, une solution ?

Ce dysfonctionnement majeur, qui fait de la circulation routière en Belgique un casse-tête quotidien, pousse les régions et les villes à multiplier les « plans mobilité » afin de réduire la part de la route. D’autant que, selon les experts, le transport de marchandises pourrait augmenter de 30 % d’ici à 2030, notamment en raison de l’e-commerce.

De quoi bloquer le réseau routier belge si rien ne change. La priorité consiste donc à augmenter la part du transport fluvial de marchandises (16 % du total aujourd’hui) et celle du fret ferroviaire (9 %), et à limiter l’utilisation de la voiture (de 75 % à 83 % des déplacements personnels selon les régions) au profit du train, du bus et du tramway, ainsi que du vélo.

Retrouver cette enquête en intégralité dans le hors-série de The Good Life 100 % Belgique toujours en kiosque.


Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture