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Transports autonomes : quelles réglementations ?
Transports autonomes : quelles réglementations ?
kate

The Good Business

Transports autonomes : quelles réglementations ?

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Tous les modes de transport gagnent en autonomie. Métros et voitures circulent déjà sans conducteur. A la clé, moins d’embouteillages et d’accidents, plus de fluidité et de rapidité. Reste à définir les règles de ce monde nouveau où drones, avions, bateaux, trains, autos et camions se déplaceront sans intervention humaine directe.

Modules amphibies, capsules individuelles, avions personnels… Depuis longtemps, nous rêvons d’avoir des véhicules privés autonomes pour nous déplacer dans les airs ou par la route. Les premiers spécimens sont apparus dans les films ou dans les romans d’aventures et de science-fiction. Plus besoin de savoir conduire, il nous suffirait de dire à voix haute où nous voulons aller ou d’afficher notre destination sur un écran pour y être transportés. De progrès en avancées technologiques, à coups d’ABS, de pilote automatique, de régulateur de vitesse, de système de parking automatisé, de métro sans conducteur, sans parler des fusées capables non seulement de décoller, mais aussi de revenir se poser toutes seules sur leur base, nous avons déjà fait un bon bout de chemin vers le véhicule autonome.

Voiture autonome niveau 4 , Fiat.
Voiture autonome niveau 4 , Fiat. DR

C’est sûr, la tendance va se poursuivre et devenir une réalité au cours des deux prochaines décennies. Du côté de l’automobile, les acteurs partagent une certitude : les voitures seront électriques, connectées, et une grande partie d’entre elles seront autonomes. Le Japon a ouvert la voie en s’engageant à transporter, en taxis autonomes, les athlètes et le public des jeux Olympiques qui se tiendront à Tokyo en 2020. Le spécialiste nippon de la robotique ZMP s’est associé à Toyota et à l’une des principales sociétés de taxis de Tokyo pour mettre au point les futurs véhicules, qui sont actuellement en test.

voiture autonome dépourvue de volant, Navya.
voiture autonome dépourvue de volant, Navya. DR

Egalement partenaire officiel des JO, Toyota planche sur un projet dont l’objectif est d’aller en voiture volante allumer la flamme olympique. Déjà, des voitures autonomes sillonnent des campus ou des zones délimitées. A l’image des navettes du français Navya, qui circulent dans le quartier lyonnais de Confluence, à la Défense ou à l’aéroport de Roissy. Ou des autos sans conducteur d’Uber qui roulent dans plusieurs villes des Etats-Unis. Mais la plupart des véhicules qui circulent aujourd’hui le font soit en itinéraire protégé, soit sous la surveillance d’un humain assis à la place du conducteur, prêt à intervenir en cas de problème.

Le Volocopter, Taxi-drone.
Le Volocopter, Taxi-drone. DR

Renault et Transdev s’apprêtent à faire circuler des voitures Zoe électriques entre les technopoles de Rouen, mais un « safety driver » accompagnera les trois passagers sur leur trajet, au cas où… Aux Etats-Unis, des centaines de véhicules ont ainsi été testés sur les routes afin de valider leur capacité à évoluer au milieu du trafic. Le seul test « réel » mené jusqu’à présent est celui de Waymo, la filiale d’Alphabet, maison mère de Google, dont les véhicules autonomes ont déjà transporté plusieurs centaines de particuliers volontaires pour expérimenter ce mode de transport autour de Phoenix (Arizona).

Google à la manœuvre

Les pionniers du domaine s’appellent Tesla, Uber, nuTonomy, Waymo ou Navya. Lors du Salon de Francfort, qui s’est tenu fin septembre 2017, tous les constructeurs automobiles ont affirmé travailler sur le sujet. Certains, comme Smart, Mercedes, Audi ou Renault, ont présenté leurs concept-cars autonomes. Mais la vraie innovation de ce salon était la présence des géants de l’électronique et de l’informatique, Google et Facebook en tête. Cela prouve que le véhicule autonome se fera avec eux. Depuis début 2018, les alliances entre constructeurs, équipementiers et grands du numérique se multiplient à vive allure.

l’Echo Seeker, Boeing.
l’Echo Seeker, Boeing. DR

En témoignent les accords passés entre BMW, Intel et Fiat-Chrysler, entre Daimler, Bosch et Nvidia ou entre PSA Peugeot-Citroën et nuTonomy (désormais dans le giron de l’équipementier Delphi). L’autonomie des voitures est rendue possible, et ne cessera d’être améliorée, grâce aux récents progrès conjugués de deux domaines technologiques : les capteurs, radars et autres caméras, qui permettent de percevoir très finement l’environnement et de localiser le véhicule, et les logiciels, notamment les algorithmes et les techniques d’intelligence artificielle. Navya se revendique comme précurseur de ce marché. Ses navettes, fabriquées à Vénissieux, près de Lyon, transportent jusqu’à 15 individus et circulent déjà dans plusieurs endroits du monde depuis 2016.

La première Google Car, Waymo.
La première Google Car, Waymo. DR

En novembre 2017, Navya a décliné sa gamme et présenté Autonom Cab, son robot taxi. ­Celui-ci ressemble à un grand monospace, capable de charger six personnes et de rouler à une vitesse de 90 km/h au milieu du trafic. « Nous ne fabriquons pas des automobiles, mais des véhicules de mobilité, partagés, sans volant, sans pédale, sans poste de pilotage. Autonom Cab est le seul véhicule au monde de niveau 5, c’est-à-dire totalement autonome, qui soit disponible et commercialisé », affirme Christophe Sapet, président de Navya. Forte de ses succès, la société a lancé son introduction en Bourse sur le marché Euronext Paris en juillet dernier. Des entreprises, à commencer par Uber, voient dans l’autonomie la possibilité de développer leur activité en s’affranchissant de la dimension sociale. Et c’est tout un corps de métier qui risque de disparaître. Les Etats-Unis, conscients du sujet, envisagent de reconvertir les quelque 4 millions de chauffeurs professionnels qui sillonnent les routes. Des tests ont été menés avec des camions autonomes roulant, de nuit, en convoi. Le secteur des transports et de la logistique, déjà consommateur de véhicules sans conducteur dans les entrepôts, mise beaucoup sur ces technologies qui réduiraient ses coûts et, surtout, les délais d’acheminement des marchandises. Les drones de livraison au client final sur « le dernier kilomètre » compléteraient la chaîne, qui serait alors totalement autonome.

Des trains filant jusqu’à 1 200 km/h

En ce qui concerne les trains et les métros, ils sont de plus en plus nombreux à rouler sans conducteur. La technologie est au point, les rails existent, et la circulation se fait en site protégé. Pourtant, c’est ce mode de transport que l’un des projets les plus fous se propose de révolutionner : Hyperloop, la navette à très grande vitesse (jusqu’à 1 200 km/h), qui circule dans un tube par sustentation magnétique. Une piste d’essai est en cours de construction du côté de Toulouse. Des tests ont été menés dans le Nevada, et le premier tronçon commercial devrait parcourir les 160 kilomètres qui séparent Dubaï d’Abou Dhabi en douze minutes en 2022… Plus tard, l’Hyperloop mettra San Francisco à une ­demi-heure de Los Angeles, et pourquoi pas Marseille, à quarante-cinq minutes de Paris. Les bateaux aussi veulent leur autonomie.

Le projet Hyperloop, porté par Elon Musk.
Le projet Hyperloop, porté par Elon Musk. DR

Pour transporter les millions de conteneurs qui transitent chaque mois sur les océans, Rolls-Royce, associé à Google, a lancé un projet de porte-conteneurs autonome que l’entreprise espère voir aboutir d’ici à 2021. Fini les équipages ! L’informatique et les satellites assurent le pilotage du bateau et ses manœuvres jusqu’au port, où d’autres véhicules autonomes le déchargent. Ces bateaux pourront approvisionner les plates-formes pétrolières ou les îles isolées, mais également mener des missions de surveillance. Les militaires en testent déjà à des fins d’observation. Quant aux sous-marins autonomes, ils ont aux océans ce que les drones sont aux avions. Entre 2020 et 2030, ils devraient se multiplier, et pas seulement dans le domaine de l’armée, où ils servent à des opérations de surveillance et de défense. Leurs applications civiles concernent principalement l’exploration des très grands fonds dans lesquels l’humain ne peut pas aller, et donc pas intervenir. En 2016, Boeing a, par exemple, testé son sous-marin autonome Echo Seeker au large des côtes de Californie.

Avions et voitures volantes autonomes

Dans l’aérien, l’idée d’autonomie n’est pas nouvelle. Depuis longtemps, l’avion est en mode pilotage automatique pendant une grande partie du temps de vol. « Le nombre de pilotes à bord est passé de trois à deux. Il existe des procédures pour pallier toute défaillance, et les pilotes disposent d’outils d’aide à la décision pour les situations de crise, souligne Pierre Gadrat, associé chargé de l’aérospatial et des matériaux du cabinet de conseil Alcimed. Les Américains ont même fait voler un avion de guerre tout seul [un F-16, en avril 2017, NDLR]. Il y a moins de risque de collision en autonomie, mais le problème est l’acceptation des passagers. Ils ne sont pas prêts à monter dans un avion sans pilote. » Le développement de cette technique dans le secteur aérien se fera surtout par les drones professionnels, de livraison, de loisir ou militaires. S’y ajouteront très certainement les voitures autonomes volantes !

Voie de levitation magnétique.
Voie de levitation magnétique. DR

En effet, depuis septembre 2017, Dubaï teste des taxis autonomes volants capables de transporter deux personnes… en plus du pilote, qui reste présent pour l’instant, on ne sait jamais ! Et début 2018, le chinois Ehang a fait voler son taxi en milieu urbain avec des passagers à bord. Mais il faudra compter environ cinq ans, avant que de tels véhicules soient accessibles au public. Pierre Gadrat n’est pas très enthousiaste : « Je crois davantage aux drones qu’aux voitures volantes. Les drones serviront au transport de matériels et de marchandises. Peut-être, à terme, transporteront-ils une personne, mais le problème de la gestion de la densité du trafic se posera. Il faudra donc la réglementation aérienne évolue. » Mais pas seulement…

Navettes autonomes, RATP.
Navettes autonomes, RATP. DR

Pour faire circuler des tramways, des voitures autonomes sur lesquels des drones pourront venir se poser pour se recharger en énergie, des piétons, des navettes et des taxis robots, il va falloir repenser la réglementation des transports et revoir les infrastructures. Certaines grandes villes imaginent déjà que si on réduit le nombre de véhicules en circulation, mettant ainsi fin aux embouteillages, les piétons pourront se réapproprier une partie des rues qui seraient arborées et aménagées… Les principaux bénéfices de l’autonomie seront sociaux. « La mobilité autonome se traduit par une diminution importante du nombre d’accidents de voiture, qui sont causés à 90 % par des erreurs humaines. Nous estimons que, d’ici à 2050, il y aura 300 000 vies sauvées, ce qui se traduit par des économies de l’ordre de 2 200 milliards d’euros sur la période », souligne Guillaume Thibault, consultant au sein du cabinet Oliver Wyman. Bien sûr, il existe encore de nombreux freins avant que le transport s’adonne pleinement à l’autonomie, à commencer par les dimensions législative et éthique, afin de pourvoir l’intelligence artificielle de comportements vertueux.

Voiture autonome, Smart.
Voiture autonome, Smart. DR

Ce nouveau mode bouleverse les ­business-modèles et les relations entre les acteurs historiques du secteur. « Mais les freins et les blocages sont autant d’opportunités pour les entreprises qui apportent de nouveaux business-modèles, remarque Guillaume Thibault. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui ce que sera le paysage de la mobilité dans vingt ans. Par exemple, aux Etats-Unis, une étude a évalué à 15 % la baisse du chiffre d’affaires des motels, car les gens ne s’arrêteront plus pour passer la nuit, ils dormiront dans leur voiture autonome… » Si nous ne conduisons plus, ces voitures deviendront des lieux de vie. D’aucuns les imaginent comme des espaces modulables où nous pourrons regarder un film, travailler, nous faire livrer un repas par drone… Dans notre société toujours plus mondialisée, où les individus et les marchandises circulent sans cesse tout autour de la planète, l’autonomie des transports est appelée à rester encore longtemps un domaine d’innovation. Cela devrait nous réserver bien des surprises, tant l’imagination des créateurs et des entreprises semble sans limites.

Semi-remorque autonome , Mercedes.
Semi-remorque autonome , Mercedes. DR

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