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Lectra : l'audacieuse pépite française 4.0
Lectra : l'audacieuse pépite française 4.0
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The Good Business

Lectra : L’audacieuse pépite française du 4.0

The Good Business

Leader mondial des machines de découpe intelligentes et de solutions technologiques pour la mode, l’automobile et l’ameublement, Lectra revient de loin. Sauvée in extremis de la faillite en 1991, elle se positionne désormais aux avant-postes de l’industrie numérique, récoltant les fruits d’une stratégie visionnaire. Aujourd’hui, elle est portée par une croissance à deux chiffres et par une innovation de pointe.

De la révolution numérique, il y a ce que nous voyons tous. Ses applications installées sur nos smartphones bouleversent les codes de la consommation et de la vie sociale. Mais il y a une face cachée. Dans les usines du monde entier, des machines intelligentes, bardées de capteurs, capables de transmettre des données en temps réel et interconnectées avec le système d’information d’une entreprise promettent des gains de productivité inédits et de nouvelles opportunités de marchés grâce à l’analyse des big data. C’est l’ère de l’industrie 4.0, et c’est le credo de Lectra.

Cette société française, qui emploie près de 1 600 salariés et qui a été créée dans les années 70, est connue du monde de la mode pour avoir toujours été à la pointe de l’innovation. Aujourd’hui, elle lance une solution numérique de gestion du cycle de vie des collections, de la création à la production de vêtements.

Versalis, une solution de découpe du cuir intelligente mise au point par Lectra.
Versalis, une solution de découpe du cuir intelligente mise au point par Lectra. DR

Cette plate-forme collaborative, déjà choisie par les Galeries Lafayette pour développer leurs marques propres, représente une vraie rupture technologique et un pari audacieux pour celui qui pilote Lectra depuis 1991, Daniel Harari. « L’usine 4.0 permet de fabriquer et de contrôler à l’unité, de personnaliser la production, de travailler de manière collaborative, pour gagner en réactivité et en compétitivité, et de développer des connaissances sur le consommateur. C’est l’avenir de l’industrie de la mode. »

Une croissance à deux chiffres

En réalité, Daniel Harari est un entrepreneur visionnaire qui prépare son entreprise depuis plus de dix ans à cette offensive. Résolument pionnière, Lectra a récolté les premiers fruits de ce choix stratégique dès 2013. En quatre ans, son chiffre d’affaires a progressé de 31 % pour atteindre 260 millions d’euros en 2016. Le résultat net a été multiplié par deux, laissant loin derrière son principal concurrent, l’américain Gerber.

Modaris, logiciel de développement produit et de patronage pour l’industrie de la mode.
Modaris, logiciel de développement produit et de patronage pour l’industrie de la mode. DR

Les marchés financiers saluent la performance. Le cours à la Bourse passe de près de 5 euros, en 2012, à 18 euros en 2016. Mieux : les analyses anticipent le déploiement complet de sa nouvelle offre. « L’entreprise a su se réorganiser, rationaliser ses process et redresser ses marges tout en investissant massivement dans sa R&D. Ses fondamentaux sont solides, et son positionnement premium unique devrait lui assurer un fort développement dans les trois ans qui viennent », confirme Florent Thy-Tine, analyste chez Midcap Partners.

Le logiciel Modaris inclut notamment le prototypage virtuel 3D.
Le logiciel Modaris inclut notamment le prototypage virtuel 3D. DR

Pourtant, Lectra revient de loin. L’entreprise a même failli disparaître, engluée dans une grave crise financière et lâchée par les marchés quelques années à peine après son introduction en Bourse, en 1987.

Les secrets de la transformation réussie de Lectra

En 1990, tout semblait perdu. Fort heureusement, Lectra, qui avait déjà montré sa capacité à innover, s’était positionnée à l’international à travers 17 filiales et avait développé un bel outil industriel de 25 000 m2 à Cestas, en Gironde. Son profil et son potentiel intéressent les pouvoirs publics. Le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) se saisit du dossier afin de trouver une solution de reprise. Daniel et André Harari, dirigeants de la Compagnie financière du scribe qui avait investi dans cette pépite technologique, proposent un plan de recapitalisation.

Pas moins de 23 nuits de négociation seront nécessaires pour trouver un accord ! Une fois à la tête de Lectra, Daniel Harari mettra la même détermination et le même engagement pour en faire une société française à la pointe de l’innovation et un leader mondial. Pour ce faire, il prendra des virages stratégiques décisifs, parfois même à contre-courant.

Le Vector iX6, pour la découpe des tissus.
Le Vector iX6, pour la découpe des tissus. DR

En 2005, alors que tout le monde ne jure que par les délocalisations, une étude chiffre à près de 30 % la baisse des coûts de revient attendue d’un transfert de l’usine Lectra en Chine. Malgré tout, Daniel Harari décide de conserver le site bordelais, mais aussi d’investir massivement dans la R&D pour se positionner sur des services à haute valeur ajoutée. Une sorte de pacte semble alors avoir été scellé entre l’entreprise et son dirigeant. Ce dernier gardera le cap de sa stratégie à long terme, malgré la pression des marchés financiers, rachetant même des actions dans les moments critiques.

Le Bordelais moins cher que la Chine

C’est avec fierté que Daniel Harari explique aujourd’hui que Lectra fabrique 25 % moins cher en France qu’elle ne le ferait en Chine. Son offre premium fait mouche. Alors que les prix de ses solutions ont grimpé de 30 % entre 2007 et 2012, Lectra augmente ses parts de marché. Son mode de management impose une forte culture d’entreprise. Convaincu que l’engagement de ses équipes repose sur la transparence et l’autonomie, il délègue. Mais il ne faut pas s’y tromper : celui qui se considère avant tout comme un entrepreneur connaît les activités de Lectra dans le moindre détail. Il participe aux réunions mensuelles, à Bordeaux, sur l’avancée des projets de R&D, et passe deux à trois jours par an dans chacune des 33 filiales. Pour chacun de ses plans stratégiques, Daniel Harari consulte à la fois ses managers, ses clients, ses fournisseurs et des experts, mais il décide seul. Il lui aura fallu deux ans de travail et 99 versions pour définir le programme Lectra 4.0 en cours de lancement.

La tête du Vector iX9.
La tête du Vector iX9. DR

Enfin, Lectra a su adopter les méthodes et la culture de l’économie numérique. De nouvelles versions des logiciels sont testées toutes les trois semaines et les équipes travaillent au sein d’un large écosystème constitué d’universitaires, d’écoles d’ingénieurs ou encore de cotraitants. Lectra a réussi sa transformation. Réussira-t-elle à entraîner ses clients de la mode dans l’ère de l’Industrie 4.0 ? « Convaincre ses clients de passer au numérique et de changer de logiciels pour un système SAS [langage de programmation de quatrième génération, NDLR] d’abonnement mensuel représente l’un des enjeux clés pour Lectra », confirme Florent Thy-Tine.

→ www.lectra.com/fr

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