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Compagnie Kidd Pivot
La compagnie Kidd Pivot, en collaboration avec Jonathon Young, explore la complexité du monde de l’inconscient. Le public perçoit la folie créatrice des auteurs à travers cette performance entre théâtre et danse.
melanie

Culture

Danse : la virtuosité absolument cosmique de Crystal Pite

Culture

Chorégraphe majeure de la danse contemporaine, Crystal Pite présente Betroffenheit et livre, comme dans la plupart de ses créations, une lecture théâtrale et profonde du monde virtuose.

Chaque création de Crystal Pite, et c’est le cas de Betroffenheit, est un choc. Créée par la chorégraphe canadienne avec ­l’acteur et metteur en scène Jonathon Young – cofondateur de l’Electric ­Company Theatre, cette performance hybride a été dévoilée au Bluma Appel Theatre à Toronto, en 2015. La pièce mêle danse, théâtre et cabaret. Nommée Betroffenheit, elle désigne un « état d’hébétement qui en­vahit l’individu ayant vécu une tragédie ». Autour d’un homme choqué, ivre et seul qui vient de subir un tsunami existentiel,­­ cinq danseurs incarnent les séquelles de son traumatisme. Ses visions, l’état de l’inconscient après un désastre tanguent entre cauchemars et rêves, drame et humour.

La compagnie Kidd Pivot, en collaboration avec Jonathon Young explore la complexité du monde de l’inconscient.
La compagnie Kidd Pivot, en collaboration avec Jonathon Young explore la complexité du monde de l’inconscient. Michael Slobodian

C’est en revanche une autre histoire, mais tout aussi fascinante, que raconte The Season’s Canon, présentée en ­octobre ­dernier à l’Opéra de Paris. Sur scène, le corps de ballet ­évoquait une onde migratoire, une humanité mille-pattes ­­tendant son visage vers des soleils noirs. Interprétée sur une adaptation des Quatre Saisons de Vivaldi signée Max Richter, la gestuelle saccadée posait, au-delà de sa beauté chorégraphique, des questions existentielles simples. Que restera-t-il du monde quand tout aura disparu ? Doit-on louer une ode à son infinie petitesse et beauté ? Comment rendre hommage à ce que nous regardons et respectons si peu ? C’est dans le champ de ces allégories que la chorégraphe, peu connue en France, mais ­depuis longtemps l’une des figures majeures de la danse contemporaine à l’étranger, nous a éblouis au cours d’une soirée qui fit l’unanimité. « Cette pièce est un geste, dit-elle, une offrande, afin de faire face à ­l’immensité et à la complexité du monde naturel, pour lui exprimer ma gratitude. » Histoires de germination, de mutation, de combat pour la survie éclairé par une lumière orageuse, de projections de ­nébuleuses  et de galaxies…

Crystal Pite en quelques dates

  • 1970 : naissance à Terrace, en Colombie-Britannique, au Canada.
  • 1988 : début de carrière au Ballet British Colombia, où elle crée sa première pièce, Between The Bliss And Me, en 1990.
  • 1996 : départ vers l’Europe pour rejoindre le Ballet de Francfort dirigé par William Forsythe.
  • 2001 : retour à Vancouver pour créer sa compagnie Kidd Pivot.
  • Créations : plus de 40 œuvres, dont Uncollected Work, en 2002 ; Double Story, en 2004 ; Lost Action, en 2006. The Second Person pour le Nederlands Dans Theater, en 2007 ; Dark Matters pour sa compagnie et Emergence pour le Ballet national du Canada, en 2009 ; The You Show, en 2010, et The Tempest Replica, en 2011, alors que la Kidd Pivot devient la compagnie résidente du Künstlerhaus Mousonturm de Francfort et ce, jusqu’en 2012. Crystale Pite devient artiste associée pour le Sadler’s Wells Theater à Londres, en 2014, et crée Polaris sur une musique de Thomas Adès. Betroffenheit fut aussi présentée en 2015 aux jeux Panaméricains de Toronto.

Pour composer ce chef-d’œuvre, Crystale Pite s’est inspirée de la lecture de Pèlerinage à Tinker Creek, d’Annie Dillard, mais aussi de tout ce qu’elle a dansé, digéré et réadapté : Mats Ek, Jiří Kylián, Ohad Naharin, Pina Bausch, Maurice Béjart et, bien sûr, ­William Forsythe, dont « le travail est un mélange de lueur d’irrévérence et de ­délicieuse imprudence », dit-elle. Dans un monde fascinant, bercé par la cohésion du groupe, le geste répétitif est vu, non pas comme une névrose, mais comme un acte d’appartenance, voire un rite ; et la vénération pour la mère nourricière fait partie de l’observation ­mystique de ce qui nous dépasse. Peinture de l’inconscient après un choc ­émotionnel où nature et saison sont célébrées dans leur ­flamboyante simplicité… Crystal Pite s’intéresse à notre humanité blessée, en danger, sans ­jamais la condamner ni la juger.

Agenda

Betroffenheit : le 23 mai, à La Passerelle de Saint-Brieuc ; du 29 mai au 2 juin, au Théâtre de la Ville / La Colline, à Paris.
The Season’s Canon est reprogrammé dans la saison 2017-2018 de l’Opéra de Paris, à partir du 19 mai 2018.
Les dates des représentations sont disponibles sur www.kiddpivot.org

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