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Dutch Design : les figures de proue

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Certes, la Design Academy Eindhoven a été – et continue d’être – un vivier de talents pour la vague Dutch Design, mais quelques autodidactes ont également su imposer leur approche doublement out of the box.

  • Maarten Baas

Diplômé en 2002 de la Design Academy, Maarten Baas a été l’un des principaux designers ayant réussi à upgrader le Dutch Design fédéré par Droog (des manifestes conceptuels et iconoclastes) en design-art (des pièces uniques iconoclastes élevées au rang d’œuvres d’art). Murray Moss a été le premier à accueillir, dès 2004, les meubles de sa collection Smoke. Cette exposition consistait à carboniser des icônes du design, puis à les enduire de résine époxy. En 2006, Clay Furniture, une série de meubles naïfs en argile synthétique colorée, prolonge cette exploration inédite. Et une version spéciale de la gigantesque horloge Real Time trône dans l’aéroport d’Amsterdam. En 2016, Maarten Baas a été plus présent que jamais avec sa série de meubles Carapace. Il a par ailleurs été nommé ambassadeur, avec Bas Van Abel, de la Dutch Design Week d’Eindhoven qui s’est tenue au mois d’octobre 2016.

Marteen Baas.
Marteen Baas. DR

 

  • Aldo Bakker

S’il est parfois difficile de trouver sa place en tant que fils d’artistes, cela ne s’applique nullement à Aldo Bakker. Le CID du Grand‑Hornu, en Belgique, lui a consacré une première rétrospective cet été. Le fils de Gijs Bakker, cofondateur de Droog, et de la créatrice de bijoux Emmy Van Leersum, a tracé sa propre voie à coups d’objets aux courbes organiques douces et pures. Un univers qui évoque parfois le travail de Brancusi. Ses pièces, fonctionnelles, sont produites artisanalement en série très limitée, mais parfois aussi éditées avec soin par Thomas Eyck, Georg Jensen ou Puiforcat.

 

Aldo Bakker.
Aldo Bakker. DR

 

  • Tord Boontje Formé à la Design Academy avant de diriger le département design du Royal College of Art de 2009 à 2013, Tord Boontje est loin d’être inconnu en France. Dès 2003, ses poétiques lampes Garland aux motifs végétaux délicatement ciselés au laser ont fait un carton chez Habitat. L’esprit néo-Art nouveau qui caractérise la plupart de ses créations ne pouvait que clignoter sur le radar d’Axelle de Buffevent, directrice du style de la maison Perrier-Jouët, qui lui a confié la création d’un délicat présentoir à flûtes. Côté mobilier, Patricia Moroso édite de façon récurrente ses sièges africains réinventés.
Tord Boontje.
Tord Boontje. Angela Moore -Courtesy of the studio Tord Boontje

 

  • Ineke Hans

Ne pas se fier au ludisme presque naïf de ses créations : Ineke Hans est une designer à la fois pragmatique et intellectuelle, passionnée par le quotidien et l’ergonomie. Formée à Arnhem (on vous met au défi de placer cette petite ville néerlandaise sur une carte…), puis au Royal College of Art, elle a échappé au formatage arty/récup de la Design Academy et s’est frottée à la réalité du marché en collaborant avec Habitat, tout en signant des sièges pour Cappellini et Offecct, des ustensiles de cuisine/table pour Royal VKB ou des systèmes de rangement pour Magis. Elle navigue dorénavant entre Arnhem, où son studio développe la Ineke Hans Collection, et Londres, où elle fait basculer dans le XXIe siècle et dans le champ du design la pratique des salons littéraires tenus historiquement par des femmes passionnées, tout comme elle, par ce que le Larousse nomme le « commerce d’intelligence ».

Ineke Hans.
Ineke Hans. DR

 

  • Piet Hein Eek

Dès le début des années 90, Piet Hein Eek a su tirer le meilleur parti de la tendance upcycling pour en faire une stratégie de création et un mode de production. Jusque-là, son nom circulait surtout chez les amateurs de design et les clients fortunés, inconditionnels de ses pièces uniques. Sa collection de papiers peints avec photo scrapwood en trompe-l’œil pour la marque néerlandaise NLXL a initié la démocratisation de son travail auprès d’un public élargi. Pour les fêtes de fin d’année, le concept-store Merci, boulevard Beaumarchais, a exposé neuf lustres uniques (sur commande), pour lesquels Piet Hein Eek a eu carte blanche pour piocher dans les caisses de pièces détachées archivées par Veronese.

Piet Hein Eek.
Piet Hein Eek.

 

  • Hella Jongerius

Passée par la Design Academy Eindhoven et le Droog Design, Hella Jongerius est l’une des rares figures féminines du Dutch Design à avoir acquis une notoriété internationale. Via Jongeriuslab, son studio établi à Berlin, elle explore en mode slow design le potentiel créatif de la rencontre entre artisanat et industrie. En découlent des créations pour Nymphenburg, Danskina, Galerie Kreo, mais aussi KLM ou Ikea. Chez Vitra, elle ne signe pas seulement le canapé Polder ou le fauteuil East River : elle est également la directrice artistique de l’ensemble des couleurs et des matériaux de la marque. En recoloriant pour l’éditeur suisse les icônes maison que sont les sièges des Eames, elle a parfaitement mis en pratique les mots d’ordre du manifeste Beyond the New, coécrit l’an dernier avec l’historienne du design, Louise Schouwenberg, dans lequel elle critique la dictature de la « nouveauté pour la nouveauté » qui, à ses yeux, décrédibilise le design contemporain.

Hella Jongerius.
Hella Jongerius. DR

 

  • Bertjan Pot

On pourrait l’appeler le designer masqué tant sa série de masques en cordelettes multicolores joyeusement fantasques est en passe de lui tenir lieu de logo. C’est lui qui, au passage, a inspiré les silhouettes des porte-manteaux Ooga Booga, Pierre et Frik Frak qu’il a signés chez Moustache. Chez ce designer inclassable, le fil est conducteur à plus d’un titre, comme en atteste sa suspension Random Light, l’un des best‑sellers de Moooi. Cocréateur, avec Marcel Wanders, de la Carbon Chair, il est également l’auteur, pour Established & Sons, de la chaise Jumper, intégralement houssée de maille feutrée à rayures bicolores façon vieux pull‑over confortable. Lors du dernier Salon du meuble de Milan, son nom était sur toutes les lèvres, entre ses poufs géants Resting Pods imaginés pour Nike et, surtout, Boxblocks, le tissu Jacquard qu’il a créé pour rhabiller, en édition limitée chez Cassina, l’iconique fauteuil Utrecht de Gerrit Rietveld.

Bertjan Pot.
Bertjan Pot. DR

 

  • Scholten & Baijings

Le Dutch Design ne saurait être restreint au design conceptuel des années Droog, et Stefan Scholten et Carole Baijings en sont la meilleure preuve. Les séduisantes harmonies chromatiques qui sont la signature du duo dessinent les contours réhabilités d’une élégance délicate, mais pas mièvre. Ils ont posé leurs légers quadrillages, pointillés ou dégradés de pastels électrisés par un liseré de fluo comme un trait de Stabilo sur les textiles de Maharam, les céramiques d’Arita, les tables Color Wood de Karimoku New Standard ou la chaise Strap de Moustache. Mais c’est à l’évidence le linge de maison Color Block et la ligne de papeterie avec classeurs‑organiseurs édités par Hay qui ont fait connaître à un public élargi leur travail poétique et géométrique.

Stefan Scholten et Carole Baijings.
Stefan Scholten et Carole Baijings. DR

 

  • Studio Job

Le MAD de New York leur a consacré, au printemps 2016, une première exposition rétrospective au nom explicite : Studio Job MAD HouseJob (belge) et Nynke Tynagel (néerlandaise) se sont rencontrés à la Design Academy Einhoven et ont fondé Studio Job à Anvers, en 2000. Une implantation en marge des sempiternels hubs design et qui reflète parfaitement la singularité absolue de leur univers graphique néogothique, opulent et ironique, mais pas kitsch. La galerie Carpenters Workshop expose de façon fidèle ces nouveaux chantres de l’hyperornementation et ne dérogera pas à la règle pour l’édition 2016 de la Design Miami. Accessible à un plus grand nombre, leur salon outdoor en fonte d’aluminium Industry Garden (Seletti) connaît lui aussi le succès. Dans un monde où les émoticônes et autres pictogrammes s’immiscent chaque jour un peu plus dans notre quotidien, les squelettes d’animaux stylisés qu’ils ont récemment créés pour Bisazza, avec qui ils collaborent depuis neuf ans, orchestrent avec un humour faussement macabre la fusion des pixels géants et des mosaïques en pâte de verre.

Job et Nynke Tynagel.
Job et Nynke Tynagel. DR

 

  • Joost Van Bleiswijk et Kiki Van Eijk 

Ce couple à la ville comme au studio, qui s’est, comme tant d’autres, rencontré sur les bancs de la Design Academy Eindhoven, travaille indiféremment en solo et en duo. Une indépendance d’esprit qui se retrouve dans la poésie toujours teintée de surréalisme de leurs créations Dutch Design. L’esprit Alice au pays des merveilles très sophistiqué qui anime les collections de Kiki a séduit Hermès, qui lui confie régulièrement la scénographie de ses vitrines. Et le savoir‑faire d’ébénisterie « ni vis ni colle » de Joost a donné naissance à la collection de placards et buffets Tudor chez Moooi. L’onde de choc de leur talent a traversé l’Atlantique, où Jerry Helling (Bernhardt Design) a édité leur élégante méridienne Workshop.

Joost Van Bleiswijk et Kiki Van Eijk.
Joost Van Bleiswijk et Kiki Van Eijk. DR

 

  • Marcel Wanders

Qualifié par le New York Times de Lady Gaga du design, Marcel Wanders promène depuis trente ans, avec un succès qui ne se dément pas, sa silhouette d’éternel dandy dans le monde du design. Il a fait une fracassante irruption en 1996 avec sa Knotted Chair, éditée par Droog, après avoir claqué la porte de la Design Academy Eindhoven, ce qui prouve à quel point il est un libre penseur… Les éditeurs italiens lui ont ouvert grand les pages de leurs catalogues et les marques de luxe françaises, comme Louis Vuitton ou Baccarat, se l’arrachent. Mais sa créativité débridée s’exprime avant tout dans la marque Moooi, qu’il a cofondée, et dont il est le directeur artistique. S’il fallait ne retenir qu’une création de cet antiminimaliste qui adore détourner l’héritage, ce serait assurément sa Carbon Chair, cosignée avec Bertjan Pot, qui revisite l’iconique chaise DSR du couple Eames avec pieds Eiffel.

Marcel Wanders.
Marcel Wanders. DR

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