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Le géant chinois de l’e-tourisme Ctrip s’est offert deux bâtiments du complexe Sky SOHO pour la somme de 400 M €. Il s’agit de la première oeuvre érigée à Shanghai par l’architecte Zaha Hadid.
Le géant chinois de l’e-tourisme Ctrip s’est offert deux bâtiments du complexe Sky SOHO pour la somme de 400 M €. Il s’agit de la première oeuvre érigée à Shanghai par l’architecte Zaha Hadid.
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The Good Business

Ctrip, une des agences d’e-commerce les plus puissantes du monde

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En juin 2015, les 10 000 employés de Ctrip ont investi leurs nouveaux bureaux à Hongqiao, au sein du sidérant Sky SOHO, signé de la regrettée Zaha Hadid. Le géant de l’e‑tourisme affiche ses ambitions !

Trois milliards de yuans, soit 400 millions d’euros : c’est la somme que Ctrip a déboursée pour s’offrir deux bâtiments du complexe Sky SOHO (sur les quatre), pour une surface de 100 000 m2 (sur un total de 350 000 m2). Le design, rappelant une locomotive, s’inspire de son emplacement – le hub de Hongqiao, symbolisant à la fois la vitesse et l’énergie – et correspond bien aux ambitions affichées par James Liang, cofondateur et président directeur général de Ctrip. Selon lui, ce bâtiment futuriste est « un train, un bateau de croisière, un lien ; il incarne la créativité et le dynamisme d’Internet ». Il fallait bien ça pour la première agence d’e-tourisme de Chine.

C’est en 1999 que James Liang fonde Ctrip avec trois comparses : Neil Shen, Min Fan et Ji Qi. En 2007, il quitte le navire pour étudier aux Etats-Unis, à l’université de Stanford. Il y obtiendra un doctorat en économie. Pendant ce temps, Min Fan prend le relais. En 2013, James Liang revient chez Ctrip, en tant que président. Pour lui, c’est comme fonder l’entreprise une seconde fois. En avril 2015, dans un e-mail diffusé en interne, James Liang déclare : « Si je suis revenu chez Ctrip, ce n’est ni pour la gloire, ni pour l’argent, mais parce que je souhaite partager avec chacun d’entre vous l’excitation, les difficultés et le succès qui accompagneront la refonte de notre entreprise. »

James Liang, le directeur général de CTrip (à droite), et Pan Shiyi, le président de SOHO Chine, ont inauguré Sky SOHO en mai 2015.
James Liang, le directeur général de CTrip (à droite), et Pan Shiyi, le président de SOHO Chine, ont inauguré Sky SOHO en mai 2015. Wu Junjie

Pendant ses six ans d’absence, le marché chinois de l’e-tourisme s’est fortement développé. Ctrip doit désormais faire face à un environnement ultraconcurrentiel. Etant donné les fluctuations du marché boursier, le secteur d’activité principal de Ctrip – la vente de billets d’avion et la réservation d’hôtels –, est menacé.

Stimuler la créativité

L’installation dans Sky SOHO participe, bien entendu, de cette nouvelle dynamique à insuffler. La façade épurée abrite une structure interne extrêmement ambitieuse. La hauteur des bâtiments à proximité de l’aéroport de Hongqiao étant limitée à 40 mètres, Zaha Hadid a choisi une architecture horizontale et linéaire, avec des ponts aériens reliant chaque bâtiment.

La façade du nouveau siège de Ctrip, conçu par Zaha Hadid.
La façade du nouveau siège de Ctrip, conçu par Zaha Hadid.

Un vrai labyrinthe. Une sensation de gigantisme renforcée par les murs séparateurs et par la décoration intérieure, extrêmement lumineuse. A vrai dire, même trois mois après avoir emménagé, les employés continuaient de se perdre. A chaque étage, l’entreprise a donc prévu des plans ­tactiles pour se repérer. D’autant que tous les employés de Ctrip ont dû aussi s’adapter à une nouvelle structure organisationnelle. « A l’origine, Ctrip était une entreprise unique, avec un département pour la vente de billets d’avion, un autre pour les réservations d’hôtel. Avec la nouvelle structure, chaque département s’apparente à une entreprise à part entière. Le segment des hôtels est devenu un groupe constitué de départements indépendants, consacrés aux activités, aux technologies, aux produits ou encore au personnel, nous explique Tang Lan, vice-­président senior. Ce système permet de stimuler la créativité de nos employés. »

Le nouveau siège de Ctrip affiche un design moderne aux teintes lumineuses, parmi lesquelles le blanc domine.
Le nouveau siège de Ctrip affiche un design moderne aux teintes lumineuses, parmi lesquelles le blanc domine. Wu Junjie

En mai 2015, Ctrip a créé un département pour les transports longue distance, en charge, notamment, de services de réservation des billets d’avion, de train et de car. Les ventes réalisées lors des deux dernières fêtes nationales ont été exceptionnelles. Dès le deuxième trimestre 2015, les réservations de billets, tous transports confondus, ont augmenté de 106 %, et le chiffre d’affaires a augmenté de 45 % sur un an, pour atteindre 1,1 milliard de yuans (147 millions d’euros).

Ctrip a également lancé, pour la fête nationale (le 1er octobre), des séjours à thème, avec de nouvelles activités : photographie, exploration de la nature, découvertes culturelles, événements sportifs, festivals… Le géant de ­l’e-tourisme prévoit de diversifier encore davantage son offre, en proposant des actions caritatives, des séances de méditation, des parcours de chasse ou des activités en haute altitude. « Sur chacun de ces segments, la route est encore longue. » Pour Tang Lan, les opportunités d’innovation sont encore nombreuses, et le potentiel créatif de l’entreprise, à l’image de la locomotive dessinée par Zaha Hadid, est loin d’être épuisé. « Si davantage de clients qui réservent un billet d’avion ou de train sur Ctrip réservent également un hôtel, nos résultats seront exponentiels. Les offres croisées présentent un grand potentiel d’intégration. » Actuellement, Ctrip compte un peu plus de 250 millions d’utilisateurs pour un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros en 2015.

Le nouveau siège de Ctrip affiche un design moderne aux teintes lumineuses, parmi lesquelles le blanc domine.
Le nouveau siège de Ctrip affiche un design moderne aux teintes lumineuses, parmi lesquelles le blanc domine. Wu Junjie

 

Un secteur florissant

« Nos anciens bureaux de la rue Fuquan étaient assez conformistes. Ici, les locaux sont ­post­modernes », déclare Tang Lan, en désignant les tuyaux au plafond de son bureau. Sky SOHO a permis de renforcer la nouvelle plate-forme stratégique de Ctrip, qui répond à l’ensemble des demandes des clients – restauration, hébergement, transports, visites, achats, loisirs –, mais qui donne également accès aux services d’autres agences. « L’ancien Ctrip était un simple intermédiaire. Auparavant, nous offrions un accès à 300 000 hôtels ; nous disposons maintenant d’un carnet d’adresses de plus de un million d’hôtels chinois et étrangers. » Tang Lan montre que cette plate-forme permet d’enrichir considérablement l’offre proposée par Ctrip, mais la difficulté est de contrôler la qualité des services offerts par les prestataires.

Le nouveau siège de Ctrip affiche un design moderne aux teintes lumineuses, parmi lesquelles le blanc domine.
Le nouveau siège de Ctrip affiche un design moderne aux teintes lumineuses, parmi lesquelles le blanc domine. Wu Junjie

Le secteur du tourisme est devenu une industrie très florissante, attirant de plus en plus de capitaux. Selon les chiffres du Bureau national du tourisme, pendant les congés de la fête nationale de 2016, 590 millions de personnes ont voyagé dans tout le pays (contre 526 millions en 2015), ce qui a permis au secteur de générer 64 milliards d’euros (56 milliards en 2015). Chiffres auxquels s’ajoutent les voyages à l’étranger, notamment en Corée du Sud, en Thaïlande et au Japon.

Dans ce contexte, presque tous les grands groupes chinois ont investi le marché des agences d’e-tourisme : Baidu détient des parts dans Qunar, Alibaba a créé sa propre marque Alitrip, Tencent a racheté une partie d’eLong, Jingdong est devenu le premier actionnaire de Way Cattle Travel Network, et Wanda est devenu le premier actionnaire de Ly.com. Ctrip a également investi successivement chez ses concurrents directs, comme eLong, Ly.com ou Way Cattle, cherchant ainsi à redessiner le paysage du secteur. « Ce sont nos concurrents, mais aussi nos collaborateurs. C’est par la collaboration que nous évitons la concurrence abusive. » Dans ce domaine, le concurrent le plus acharné de Ctrip fut Qunar, mais ils se sont récemment réconciliés. Fin octobre 2015, Ctrip et Baidu ont même conclu un accord pour s’échanger des actions. Baidu détient ainsi 25 % des parts de Ctrip, qui possède en contrepartie 45 % de celles de Qunar. Un accord qui met fin à la guerre des prix entre les deux anciens concurrents. Ce qui fait craindre, à certains spécialistes, que Ctrip ne domine le marché de la réservation de billets et d’hôtels et en monopolise toutes les ressources, pour finir par en faire payer la note aux consommateurs. Mais la direction prise par Ctrip est aussi claire que son nouveau slogan : « Un service fiable pour un prix fiable. » 

 

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