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L’exposition « Art Truc Troc et Design » se tient depuis douze ans au Palais des Beaux-Arts - Bozar, à Bruxelles. Une centaine d’artistes y sont exposés et les offres d’échange sont publiques, notées sur des post-it collés autour de l’oeuvre. Celle-ci devient alors aussi importante que les offres elles-mêmes.
L’exposition « Art Truc Troc et Design » se tient depuis douze ans au Palais des Beaux-Arts - «Bozar», à Bruxelles. Une centaine d’artistes y sont exposés et les offres d’échange sont publiques, notées sur des post-it collés autour de l’oeuvre. Celle-ci devient alors aussi importante que les offres elles-mêmes.
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The Good Business

Quand l’art contemporain s’ouvre à l’économie du partage

The Good Business

Dans les plus grandes foires internationales, les prix des œuvres peuvent atteindre la stratosphère, faisant du marché de l’art une bulle où le business prime parfois sur le fond. Toutefois, certains prennent un curieux contre-pied en s’inscrivant dans une nouvelle dynamique, celle de l’économie participative. Phénomène.

Une exposition où tout est à acquérir, mais où rien n’est à vendre, c’est ainsi que se présentait, en octobre dernier, le projet de Laure Flammarion (également journaliste pour The Good Life), Matin, midi et soir, organisé à la galerie Rue Visconti, à Paris. On pouvait repartir avec l’une des 79 œuvres accrochées aux murs, à condition d’offrir en contrepartie tout sauf de l’argent. Quatre jours durant, les propositions de troc ont fleuri.

Depuis quelques années, Laure Flammarion organise des expositions aussi novatrices qu’inventives.
Depuis quelques années, Laure Flammarion organise des expositions aussi novatrices qu’inventives. Siegfried De Turckheim

« J’ai réalisé une peinture spécialement pour ce projet, raconte Françoise Pétrovitch, qui a accepté de jouer le jeu, aux côtés de Sophie Calle, de Ben, de Valérie Mréjen, de Gérard Traquandi et de toute une cohorte de jeunes artistes sélectionnés par quinze commissaires invités. La thématique de l’exposition étant le suivi de la lumière tout au long d’une journée, j’ai produit une petite peinture nocturne, comme une fleur en train de faner. J’ai reçu six propositions qui étaient toutes chouettes. Du coup, j’ai échangé mon tableau contre un séjour dans une belle maison en Bretagne. Et j’ai aussi accepté une autre offre ! Une styliste de Dries Van Noten m’a proposé de réaliser une robe sur mesure d’après l’une de mes toiles. Depuis, elle est venue à l’atelier pour choisir une œuvre, et ma robe est en cours. »

Une œuvre contre un bon dîner ?

Une consultation juridique, un cours de scénario, une année de lecture, une semaine dans un studio à Lisbonne, une pointe sèche d’Hans Bellmer, les noms des dix filles les plus cool de Paris, 558 offres ont été formulées, 59 échanges réalisés, les artistes n’étant pas obligés de donner suite. « L’idée première n’était pas de repartir absolument avec une œuvre, explique Laure Flammarion, qui a multiplié, ces dernières années, les accrochages inventifs.

Le dernier événement, Matin, midi et soir, était une invitation à l’échange. Chacun avait la possibilité de repartir avec une oeuvre d’art après avoir proposé une contrepartie, qui pouvait être tout sauf financière.
Le dernier événement, Matin, midi et soir, était une invitation à l’échange. Chacun avait la possibilité de repartir avec une oeuvre d’art après avoir proposé une contrepartie, qui pouvait être tout sauf financière. Gary Nicolino
L’idée : créer un lien différent entre les artistes et les acquéreurs. Ces derniers étant encouragés à donner un peu plus d’eux-mêmes. Ainsi, 558 offres ont été formulées, et 59 échanges réalisés.
L’idée : créer un lien différent entre les artistes et les acquéreurs. Ces derniers étant encouragés à donner un peu plus d’eux-mêmes. Ainsi, 558 offres ont été formulées, et 59 échanges réalisés. Gary Nicolino

Mon objectif était plutôt de faire en sorte que des rapports plus affectifs et plus humains soient tissés entre artistes et acquéreurs. Ce projet, j’ai commencé à y penser après les attentats. J’avais envie de changer les réflexes dans un monde de l’art qui est parfois très froid, de provoquer des rencontres entre des gens qui ne se parlent pas, d’inviter les acquéreurs à livrer quelque chose d’eux-mêmes. Signer un chèque, quand on en a les moyens, ça ne coûte rien. Le troc, en revanche, constitue un engagement plus personnel. Cela oblige les gens à se dévoiler et à faire des propositions créatives pour séduire l’artiste. »

Une œuvre contre un bon dîner, un lit ou une consultation de médecin ? L’idée ne date pas d’hier. Picasso payait les restaurateurs avec des croquis griffonnés sur le coin d’une nappe, Van Gogh mangeait à l’œil au Café du tambourin en échange de toiles représentant des natures mortes, et Martin Kippenberger offrait régulièrement ses peintures au Chelsea Hotel afin d’y loger gratuitement.

Laure Flammarion reconnaît volontiers qu’elle nourrit une vision romantique de l’art. « La valeur d’une œuvre n’a pas toujours été indexée sur sa valeur marchande, et les excès du marché de l’art nous poussent à enrayer la machine, à faire dérailler un système qui ne repose que sur la transaction financière. Le troc ouvre les portes de l’art à d’autres types d’échanges et à d’autres types d’acheteurs. »

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