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Solitutde Not Loneliness, Lori, Hollywood (Californie), 2009.
Solitutde Not Loneliness, Lori, Hollywood (Californie), 2009.
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Formento & Formento Circumstance : American Beauty on Bruised Knees

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BJ est américain et photographe. Richeille est britannique et directrice artistique. Ils travaillent et vivent ensemble depuis dix ans ; leur regard est fusionnel. Construite comme un triptyque (Solitude Not Loneliness, This Is Not America et Renaissance), la série Circumstance correspond à trois road trips que le couple effectua en 2009, 2010 et 2013. Partis à la découverte d’une Amérique mythique, ils reviennent avec des portraits de femmes meurtries et hagardes qui incarnent un pays dépassé par la crise qu’il traverse.

2008 : récession. Silence radio partout. Les clients n’appellent plus, n’envoient plus d’e-mails et les commandes sont inexistantes. Le studio photo Formento & Formento se trouve dans une impasse. Fausse tautologie pour deux identités à la fois indépendantes et fusionnelles. BJ et Richeille se rencontrent à Miami en 2005 pour le travail. Lui, photographie, et elle, s’occupe de la scénographie. Le coup de foudre est rocambolesque et total. La même année, ils se marient et créent leur studio de photographie et de production. C’est donc dans le désœuvrement de la crise économique que naît l’envie d’accomplir un pèlerinage singulier. « Je connaissais très peu les Etats-Unis, mais il y avait des endroits mythiques qui entretenaient le fantasme que j’avais de ce pays et que j’avais envie de visiter », explique Richeille. Le couple décide de fuir le rude hiver new-yorkais et de trouver un refuge ensoleillé dans la prometteuse Californie. A bord d’une rutilante Silver Airstream de 1969, ils partent avec l’envie de parcourir l’Amérique rayonnante des ­années 50. La réalité les rattrape sur place, où aucuns fard ni paillettes ne sont là pour déguiser les désastres de la crise économique. Alors qu’ils pensaient retrouver l’aura d’un âge d’or chimérique, ils sont confrontés à l’hébétude des gens et à la déliquescence des lieux. L’ambiance est sinistre et la tristesse, frappante. « La série Circumstance raconte l’histoire de gens à un moment où l’amour a été rejeté et qui se retrouvent dans un état émotionnel vide, simplement ahuris. » Leur mobilité leur permet de côtoyer les habitants des petites villes qu’ils traversent. « Les gens venaient facilement engager la conversation ; ils avaient de la sympathie pour nous », explique le couple. Les modèles qu’ils photographient sont des femmes issues de ces rencontres fortuites. Des aspirantes actrices aux illusions essoufflées. « Les femmes que nous photographions sont fortes, fières et sûres d’elles. Elles ont l’air tristes, mais elles ne le sont pas. Elles réfléchissent à ce qui va se passer. Chaque rencontre donnait lieu à une vraie collaboration. Parfois, elles se mettaient nues alors qu’elles n’avaient jamais fait ça avant, et l’énergie qu’elles nous communiquaient était stupéfiante. Nous étions là pour immortaliser cet acte de bravoure par lequel elles faisaient savoir qu’elles existaient. » La série Circumstance immortalise avec subtilité le moment d’un entre-deux, celui de l’hésitation, l’instant fugace avant une résolution qui pourrait changer une vie. C’est dans cette suspension du temps qu’est distillé l’espoir de jours meilleurs. Les modèles sont photographiés dans des paysages parfois apocalyptiques, une station essence désaffectée, une chambre de motel lugubre et des avions désaffectés, comme dans la série que nous avons choisi de mettre en avant dans ce numéro. La lumière crépusculaire ne fait que souligner le caractère dramatique de la mise en scène. « Ce sont des survivantes. N’importe qui peut être malmené par la vie, mais il faut s’en relever. Il faut profiter de cette chance d’avoir survécu pour continuer à vivre. »

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