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Shark Tank, la téléréalité en mode business
Shark Tank, la téléréalité en mode business
Alexandre Bougès

The Good Business

Shark Tank, la téléréalité en mode business

The Good Business

Personne n’avait vu venir son succès : l’émission diffusée sur la chaîne ABC, une filiale de Disney, réunit chaque semaine 7,5 millions de téléspectateurs. Le pitch ? Des entrepreneurs ont quelques minutes pour convaincre cinq jurés, des investisseurs privés, d’apporter le financement nécessaire au développement de leur start-up. La scène semble parfois surjouée, mais on se prend au jeu.

La tension est palpable, le suspens à son comble. La caméra est fixée sur le regard inquiet du jeune candidat, debout, pendu aux lèvres de l’homme assis face à lui dans un fauteuil en cuir. La pénombre sur scène et la musique anxiogène accentuent le caractère dramatique de la situation. « Je me retire » (« I’m out »), finit par lâcher le juré, après avoir justifié sa décision en deux phrases. Déception, pleurs, joie, promesses de succès : l’émission « Shark Tank » (littéralement, aquarium à requins) a tout pour séduire les Américains. Chaque semaine, des entrepreneurs, seuls, en duo, voire en famille, viennent présenter leur produit à un jury afin de décrocher le financement nécessaire au développement de leur entreprise. Ils fixent les termes, négociables, de l’accord avant d’entamer leur pitch de quelques minutes : une somme d’argent en échange d’une part du capital de leur start-up ou de royalties sur les ventes à venir.

Ces candidats sont soigneusement sélectionnés afin de représenter au mieux la diversité de la société américaine : hommes et femmes – aux Etats-Unis, les entrepreneuses dirigent un tiers des 28  millions de petites entreprises –, issus, pour la moitié, de minorités – 40 % des start-­uppers d’outre-Atlan­tique sont noirs américains, hispaniques ou asiatiques. Face à eux, cinq jurés. Des self-made millionnaires, eux-mêmes passés par l’entrepreneuriat. Rémunérés pour participer à l’émission, ces investisseurs privés engagent leur propre argent, apportent leur expertise et partagent leur réseau.

Devant la caméra, ces requins des affaires sont prêts à s’entretuer pour décrocher le meilleur deal. Il y a les gentils, ceux qui adoucissent leur refus d’investir dans le projet présenté, comme Lori Greiner, la reine du géant américain du téléachat QVC, et les méchants, comme Mark Cuban, propriétaire de l’équipe professionnelle de basketball NBA des Mavericks de Dallas, et Kevin O’Leary, le millionnaire canadien surnommé Mr. ­Wonderful, qui n’hésitent pas à critiquer sévèrement un candidat peu convaincant.

Plus de 60 millions de dollars offerts

Chacun tient son rôle, de façon parfois tellement caricaturale que les répliques semblent avoir été apprises par cœur. Le montage de l’émission accentue cette impression de scène surjouée : seulement 10 des 60 minutes, ­voire 120 minutes, de pitch sont diffusées. Mais qu’importe ! On se laisse absorber par la négociation « en direct » et par l’esprit d’entreprise et d’innovation : boissons au vinaigre organique (McClary Bros.), porte-biberon (Beebo), voiture urbaine à air comprimé (AirPod), mini-popcorn (PipCorn), gants lumineux (EmazingLights)…
Quatre ou cinq idées nouvelles, des plus utiles aux plus farfelues, sont ainsi révélées chaque semaine. Certaines ont connu un développement commercial fulgurant après l’émission, comme l’éponge hyperrésistante Scrub Daddy, dont le total des ventes est passé de 100 000 dollars à 50 millions de dollars en un an. Plus de 300 deals ont été passés en six saisons et, depuis la diffusion du premier épisode, en août 2009, les investisseurs‑jurés ont offert collectivement 60 millions de dollars.

L’émission, la plus suivie du PAF américain par les 18-45-ans le vendredi soir, réunit chaque ­semaine 7,5 millions de télé­spectateurs. Une réussite qui a tout du made in the USA, alors même que le concept est j­aponais à l’origine. Créée en 2001 sous le titre de « Money ­Tigers » (l’argent des tigres), rebaptisée depuis « Dragon’s Den » (l’antre du dragon) pour y être vendue dans le monde entier, l’émission a été adaptée aux Etats-Unis par Mark Burnett, producteur d’autres émissions de téléréalité à succès (« Survivor », « The Voice » et « The Apprentice »). Dans « Shark Tank », les deals sont plus nombreux que dans les versions européennes. Et les conseils peut-être plus pragmatiques qu’ailleurs. « Surtout, ne pleurez jamais pour de l’argent », concluait le shark Kevin O’Leary après avoir provoqué les larmes d’une candidate, « car l’argent ne pleure jamais pour vous ».

Les six premières saisons sont disponibles sur la chaîne Youtube de l’émission.

Fiche technique

  • Titre : « Shark Tank ».
  • Adapté de : « Money Tigers » (Japon).
  • Genre : télé-réalité.
  • Créateur et producteur aux Etats-Unis : Mark Burnett.
  • Distributeur : Sony Pictures Television.
  • Chaîne : ABC.
  • 1er épisode : 8 août 2009.
  • Durée de chaque épisode : 42 min.
  • Nombre de saisons : 7.

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