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Santiago, plate‑forme business d’Amérique latine
Santiago est une ville économiquement attractive, à l’image du Chili tout entier, qui, malgré sa petite taille, a bénéficié, en 2014, d’autant d’investissements directs étrangers (IDE) que le Mexique. Avec 23 Mds $ d’IDE, le Chili occupe la 3e place de ces pays où il est bon d’investir en Amérique latine.
Alexandre Bougès

The Good Business

Santiago, plate-forme business d’Amérique latine

The Good Business

Si le Chili ne compte que 17,6 millions d’habitants et fait figure de bout du monde, aux confins de l’Amérique du Sud, enserré entre la cordillère des Andes et l’océan Pacifique, c’est le pays de l’OCDE à avoir le plus fort PIB par habitant de la région. Et Santiago, sa capitale et son cœur économique, a su s’y imposer comme une plate‑forme commerciale sûre, stable et rentable.

Dans le ciel de Santiago dominent des grues et des tours qui grandissent à vue d’œil. En dix ans, la capitale du Chili, qui semblait n’être qu’un horizon de maisons très provinciales avec rez-de-­jardin, a vu ses quartiers les plus centraux et les plus stratégiques pousser en hauteur de manière frénétique. Démonstration d’une croissance qui, durant ces vingt-cinq dernières années, et ce jusqu’à il y a encore quelques trimestres, tournait autour de 5,5 %, selon le programme des Nations unies pour le développement (PNUD), ­portée essentiellement par la principale richesse du pays, le cuivre, dont il est le premier producteur mondial. Résultat aussi d’un pays extrêmement centralisé, où les affaires se font essentiellement dans la capitale. Si une partie de ces gratte-ciel sont résidentiels, répondant à la demande d’une classe moyenne en pleine expansion, beaucoup sont destinés à accueillir de très chic bureaux. « Santiago est la troisième ville d’Amérique latine qui compte le plus de surface de bureaux de luxe classés A+ après Mexico et São Paolo, souligne Luis Fuentes, géographe à l’Université pontificale catholique du Chili. Et elle n’a ni la taille, ni la population, ni le PIB de ces deux mégapoles. Santiago est seulement la septième ville d’Amérique latine en termes de population, avec près de 7 millions d’habitants. » Le quartier d’affaires le plus ancien, qui reste sûrement le plus important, naît dans les années 90, alors que le pays entre de plain-pied dans l’économie de marché, poussé par les réformes du dictateur Augusto Pinochet. Surnommé « Sanhattan », dans un clin d’œil évident au poumon économique new-yorkais, ce district financier continue aujourd’hui, malgré un espace réduit, à voir pousser des tours entre ses immenses trottoirs à l’américaine, grignotés par-ci, par-là par des terrasses de cafés et de restaurants. Récemment ­encore s’y sont installés les hôtels W et Ritz-Carlton, ainsi que le groupe GDF-Suez. Si cet espace, appelé Barrio El Golf, s’est longtemps suffi à lui-même, il a connu, au cours des dix dernières années, une explosion vertigineuse. Pour faire face à l’arrivée grandissante d’entreprises étrangères, à l’expansion des plus grosses entreprises nationales et à un coût du mètre carré de plus en plus élevé à Sanhattan, deux nouveaux centres économiques voient le jour : la Ciudad Empresarial, dans une zone presque champêtre, mais assez proche en voiture, et Nueva Las Condes, à quelques stations de métro. Ce dernier quartier, qui n’était, il n’y a pas si longtemps, que ­terrains vagues et logements sociaux, héberge ­aujourd’hui plus d’une vingtaine de tours dans lesquelles travaillent 45 000 ­personnes environ.

Le Chili et Santiago en chiffres

  • La capitale du Chili est surnommée « el Gran Santiago ». Constituée de 37 comunas (communautés), elle n’a pas de mairie centrale, mais autant de mairies locales, ce qui n’est pas exempt de problèmes.
  • Ses habitants, dont le nombre avoisinerait les 7 millions, représenteraient près de 40 % de la population totale du pays.
  • Les comunas situées au nord‑est de Santiago – Lo Barnechea, Vitacura, Las Condes et Providencia – sont les plus riches du pays.
  • Le PIB par habitant du Chili est le plus élevé d’Amérique latine, s’approchant des 22 000 $. Mais la différence entre riches et pauvres y demeure parmi les plus importantes du monde.
  • Si une entreprise compte plus de 25 salariés, elle doit employer au moins 85 % de Chiliens. Le salaire minimal mensuel est de 241 000 pesos, soit environ 300 €. Et le temps de travail par semaine est de 45 heures, avec un maximum de 10 heures par jour. Après un an minimum travaillé en tant que salarié, l’employé a droit à 15 jours de congés payés par an.
  • Le groupe franco‑italien (Aéroports de Paris‑Vinci‑Astaldi) a remporté l’appel d’offres pour l’agrandissement de l’aéroport de Santiago, qui passera ainsi d’une capacité de 9 M de passagers à 50 M d’ici à 2045. L’investissement serait de 700 M $. Le consortium s’est engagé à reverser 77,56 % de ses revenus à l’Etat.
  • En 2014, 70 % des Chiliens avaient accès à Internet. En moyenne, il existe, en 2015, 1,32 téléphone portable par habitant. Près de 78 % des connexions Internet se font par smartphone.
  • En 2011, le Chili était le premier marché de pénétration de Facebook en Amérique latine et le troisième du monde.

Mais le geste architectural qui symbolise le plus le succès économique de la capitale, tout en défiant la nature dans le deuxième pays le plus sismique du monde, tient à un homme d’affaires chilien, Horst Paulmann. Deuxième fortune du pays, ce dernier a fait construire la tour la plus élevée d’Amérique latine, la Gran Torre Santiago du Costanera Center, de 300 mètres de haut, entièrement dédiée aux affaires, située à quelques pâtés de maisons de Sanhattan. Un symbole de réussite également pour son entreprise, Cencosud, un groupe du retail devenu la 17e « multilatine » de la région, les multilatines étant des entreprises multinationales latino-américaines présentes dans au moins deux pays de la région. Les bureaux d’avocats, les banques d’investissement et les multinationales feraient déjà la queue, selon Cencosud, pour louer les premiers 15 000 m2 de bureaux disponibles, sur les 87 000 m2 à venir. Des bureaux de 3,95 m de hauteur sous plafond, du jamais vu encore dans la capitale. « L’industrie du cuivre continue de dominer Santiago, avec 60 % des ventes nationales de ce minerai qui y sont réalisées, souligne Luis Fuentes. Mais l’économie de la ville s’est tertiarisée : en 2009, le poids des services d’entreprise et financiers atteignait 30 % de son PIB. » Si cette poussée vers les nuages se poursuit, la croissance, elle, connaît une baisse sensible depuis 2013, en partie à cause de la chute du prix mondial des minerais. Selon la banque centrale chilienne, elle varierait entre 2,25 % et 3,25 % cette année, ce qui a poussé la présidente, Michelle Bachelet, à former une commission chargée de trouver des idées pour la relancer. Cependant, le chômage dans la capitale reste bas, autour de 6,5 %, et, en 2014, le Chili a attiré autant d’investissements directs étrangers (IDE) que le Mexique, le situant en troisième position en Amérique latine, malgré sa petite taille, avec plus de 23 milliards de dollars, selon la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL), un think-tank de l’ONU basé à Santiago. « C’est le seul pays à avoir bénéficié d’un flux d’investissements étrangers supérieur à l’année antérieure », remarque ­Vicente Mira, du Comité d’investissements étrangers (CIE), l’agence publique chargée d’attirer les entreprises étrangères au Chili.

Quand le chili fait son cinéma

De Cannes à Sundance et de Venise à Berlin, il ne se passe guère, depuis cinq ou six ans, de saisons festivalières sans qu’un film chilien ne soit sélectionné ou primé. De quoi assurer une visibilité du savoir‑faire cinématographique de Santiago. En 2014 est née la volonté de promouvoir le pays en tant que lieu de choix pour le tournage de films.  Shoot in Chile en est le fer de lance. L’association regroupe les ministères de la Culture et du Tourisme, des associations professionnelles et la commission cinématographique chilienne. L’idée est indubitablement liée au nombre de paysages subjuguants qu’offre le pays. De la Patagonie au désert d’Atacama, des sommets andins aux plages du Pacifique. Il suffit de se remémorer à quel point la trilogie le Seigneur des anneaux a fait pour la promotion de la Nouvelle‑Zélande pour comprendre l’implication des différents partenaires institutionnels et privés de ce projet. Pedro Pablo Cabrera, directeur de Shoot in Chile, en explique avec enthousiasme le pourquoi et le comment : « Nous avons acquis un savoir‑faire unique en termes de plate‑forme de production en Amérique latine, principalement au travers de tournages publicitaires. De nombreuses marques automobiles ont choisi de tourner leurs films au Chili, comme Lamborghini et Mercedes. Les paysages enneigés ont servi de décors à de nombreuses campagnes. Outre les moyens technologiques à notre disposition, nous mettons en valeur le concept de  “two hours”. A savoir qu’à peu de distance d’écart, on trouve ici des décors de rues à la française et des espaces naturels uniques, marins, forestiers ou montagneux. D’où une réduction importante des coûts de production. Ajoutez à cela le fait que le Chili est un pays stable politiquement et financièrement transparent, et vous comprenez l’intérêt qu’il y a à produire des films ici. » Le Chili était d’ailleurs sur la short list des pays sélectionnés pour le tournage du dernier Mad Max. Le ministère de la Culture travaille sur un programme d’avantages fiscaux afin de séduire définitivement les producteurs du monde entier.

Des marchés très avantageux
« C’est une petite économie, comparée à celles du Brésil, du Mexique ou de l’Argentine. Notre population n’est pas immense, mais notre revenu par habitant est plus élevé que celui du reste de l’Amérique latine, tout en représentant seulement moins de la moitié de celui des Etats-Unis, signale Tomás Flores, ancien sous-­secrétaire à l’Economie dans le gouvernement du président précédent, Sebastián Piñera. Ce qui amène beaucoup d’investisseurs à ne pas le considérer, de prime abord, comme un marché attractif. » Or, dans les domaines des mines, des énergies renouvelables, des biotechno­logies, de l’industrie agro­alimentaire, de l’aquaculture et des infrastructures, le Chili présente des marchés très avantageux pour des multinationales comme pour des PME, car le pays a des besoins que les entreprises chiliennes ne peuvent combler à elles seules, par manque d’expertise. « Santiago offre aussi des conditions très favorables pour y installer son centre d’opération, sa maison mère et pour y développer ses activités en Amérique latine », reprend Tomás Flores. Un continent qui, s’il est en perte de vitesse, continue de représenter plus de 600 millions d’habitants, dont une forte classe moyenne. Seize entreprises chiliennes ont choisi de s’étendre au-delà des frontières nationales, devenant des « multilatines », et réalisent, pour certaines d’entre elles, plus de 50 % de leur chiffre d’affaires en dehors du Chili. Selon le classement établi chaque année par la revue de référence América Economía, Santiago est « la » deuxième ville latino-­américaine où faire du business après… Miami. La stabilité de sa démocratie depuis 1990 a été qualifiée de modèle en Amérique latine par le président américain Barack Obama. Son « risque pays » est AA– ou A+ selon les agences de notation – bien en deçà de celui de ses voisins –, sa dette extérieure est faible, ses règles du jeu politique sont claires. « Ses règles économiques le sont aussi, rebondit Bruno Tessier, de Business France, une entité française chargée de guider les entreprises dans leur installation au Chili. Ses institutions financières et banquières sont solides. Il existe une sécurité juridique, la justice fonctionne, la corruption y est la plus faible d’Amérique latine et l’une des plus faibles du monde. C’est aussi le seul pays d’Amérique du Sud à être entré dans l’OCDE, et ça, c’est aussi une garantie. » A la sécurité des institutions s’ajoute la volonté du pays, depuis les années 90, bien avant ses voisins, d’attirer les investissements étrangers. « Au Chili, une entreprise étrangère bénéficie des mêmes règles qu’une entreprise nationale, et les règles sont simples », souligne Vicente Mira. « Google voulait construire une installation de traitement de l’information en Amérique du Sud, se souvient Tomás Flores. Ils ont tout de suite choisi le Brésil, le marché le plus important et le plus significatif, mais le pays les obligeait à acheter des ordinateurs fabriqués localement. Ils se sont ensuite tournés vers l’Argentine, mais l’instabilité des règles du jeu les a découragés. Google est alors venu taper à notre porte et a demandé s’il existait des conditions spéciales. Ici, il n’y a aucune restriction. » Google a inauguré son centre de traitement de données en 2013, dans lequel il a investi 150 millions de dollars.

La révolution du vin

Vignoble de Viña Vik, Millahue, Chili

Les conquistadors importèrent les premières vignes espagnoles au Chili au milieu du XVIe siècle. Les confréries religieuses de l’époque ont mis leur savoir‑faire au service du vin de messe. Une vigne à l’origine simple, composée de país, un cépage noir, sans grand goût, mais d’une exceptionnelle prolifération. La production chilienne est alors massive, mais de piètre qualité. Au XIXe siècle, le phylloxéra met à mal le vignoble français, créant un chômage sans précédent dans le secteur viticole et suscitant un exode massif. Le Chili fait alors venir des vignerons français, qui vont élaborer un vin plus sophistiqué, important cabernet sauvignon et merlot, sauvignon blanc et chardonnay. Paradoxalement, les seize années de dictature de Pinochet correspondent à un développement tous azimuts des échanges internationaux. Le vin chilien conquiert le monde, mais reste curieusement peu consommé sur place (11 litres par personne et par an en 2014, contre 44 litres pour les Français, premiers consommateurs du monde). Un vin d’un rapport qualité‑prix exceptionnel, dû à d’excellentes conditions climatiques et à un coût de main‑d’œuvre dérisoire. Pinochet parti, les investisseurs étrangers affluent. Le merlot se révèle être en fait du carménère, sauvé par miracle de l’épidémie qui a ravagé les vignes françaises, et qui devient l’emblème de ce vin chilien. Dassault, Bernard Magrez, les Marnier Lapostolle et les domaines Barons de Rothschild s’implantent dans le pays. Apparaissent des vins tels qu’Almaviva, considéré comme l’un des meilleurs crus au monde. Chilien de naissance, issu d’une famille française alors propriétaire du château Pavie, Patrick Valette est un homme de l’art qui, il y a dix ans, à la demande de l’homme d’affaires chilien Alexander Vik, a planté plus de 400 ha de vignes dans la vallée de Millahue. Les premiers crus sont époustouflants, d’une belle sensualité. Les œnologues parlent du meilleur vin chilien, attendent le vieillissement, envisagent, à terme, un classement parmi les plus grandes bouteilles du monde. Le vin chilien, décidément, n’a pas fini sa révolution.

Une économie libérale et dynamique
De fait, malgré sa petite taille, le Chili joue dans la cour des grands, au coude-à-coude avec les mastodontes de la région que sont le Brésil, le Mexique et l’Argentine. D’autant qu’il est l’un des pays qui ont conclu le plus d’accords bilatéraux de libre-échange au monde : 24 accords commerciaux concernant 63 marchés, qui représentent 63,3 % de la population et 85,3 % du PIB mondial. « Vous pouvez donc venir ici, donner 50 % de valeur ajoutée à un produit importé, et le revendre comme s’il était chilien en bénéficiant de tous ces accords », explique Bruno Tessier. Le Chili fait également partie, avec le Mexique, la Colombie et le Pérou, de l’Alliance du Pacifique, qui regroupe ces quatre pays les plus libéraux et les plus dynamiques de la région. De grands noms, comme les supermarchés Walmart, les laboratoires Merck, Pierre Fabre ou Abbott ne s’y sont pas trompés en s’installant à Santiago, d’où ils lancent souvent leurs opérations continentales. Cette ouverture extrême a permis le développement d’un environnement économique très dynamique, mais où l’erreur n’est pas permise. ­Carrefour ou Macy’s n’y ont pas survécu, pas plus que Home Depot ou encore J. C. Penney.

Dans les rues de Santiago circulent toutes les marques de voitures du monde, car le pays n’en fabrique pas. C’est là aussi que les marques de high-tech comme Samsung viennent tester leurs produits avant de les lancer sur le continent. « Notre capitale est devenue un marché test, explique Peter Hill, président de la chambre de commerce de Santiago (CCS), car sa population est à la fois petite, très friande d’innovation et très réactive. » Santiago fait partie des villes les plus connectées du continent. Elle occupe la deuxième position dans le monde en matière de 4G, après Singapour, et les Chiliens comptent parmi les plus grands utilisateurs de médias sociaux du monde (Facebook, ­LinkedIn, ­WhatsApp…). Avec le lancement d’un programme public d’incubateur de start-up à Santiago, Start-Up Chile, reconnu sur la planète tech, le gouvernement antérieur a permis le développement d’un environnement dynamique pour l’innovation et l’entreprenariat. Grâce au site Internet Empresaenundia.cl, n’importe qui peut créer son entreprise gratuitement en une journée et commencer ses opérations une semaine plus tard, en bénéficiant, qui plus est, d’aides publiques à l’innovation et à l’exportation.

LATAM, nouvelle major de l’aérien

A 80 ans bien sonnés, LAN est l’une des plus anciennes compagnies aériennes du monde. Propriété du gouvernement jusqu’en 1993, elle fut alors rachetée par la famille Cueto. L’acquéreur avait une expertise importante dans le domaine aérien, étant déjà propriétaire de Fast Air, une compagnie spécialisée dans le fret. La stratégie appliquée à LAN, devenue compagnie privée, a été inspirée du business‑modèle de l’activité cargo. Durant quinze ans, cela a été pour le moins un véritable succès. LAN réalisait 30 % de son chiffre d’affaires avec l’activité fret, ce qui est exceptionnel pour un transporteur qui table d’habitude sur 5 à 10 % de revenus de l’activité cargo. Dans le même temps, la région a connu un boom économique exponentiel et LAN s’est finalement implantée dans tous les pays d’Amérique latine. « La logique de développement nous a rapidement amenés à envisager de nous installer au Brésil, qui représente 50 % du marché sud‑américain », précise Pablo Yunis, directeur international des ventes à Santiago. Créer une compagnie ? En racheter une ? « C’est finalement, au bout de trois ans de réflexion et au travers d’une joint‑venture avec la compagnie brésilienne TAM que nous réalisons cette ambition. » Le challenge a été de taille. Comment s’associer avec une compagnie nettement plus grande ? De 20 000 employés hier, l’entreprise en compte aujourd’hui 53 000. La philosophie des compagnies est similaire : convivialité, service haut de gamme, sécurité au‑delà des normes nationales et internationales. En 2010,
il est décidé d’en faire une nouvelle entité, avec un nouveau nom : LATAM, conjonction des deux compagnies et résumé de Latin America. Avec 300 avions et 4 Mds $ de chiffre d’affaires, LATAM est bien la troisième compagnie du monde. Une stratégie qui permet de transporter les voyageurs dans toute l’Amérique du Sud, au départ des plus grandes villes européennes et américaines. LATAM est devenue incontournable.

Un pays latino‑américain sûr
Si l’anglais fait encore défaut à une grande partie de la population, ce qui peut parfois décourager certaines entreprises de s’installer au Chili, il existe un capital humain hautement qualifié. De nombreux Chiliens obtiennent des masters ou des doctorats à l’étranger, motivés par le programme public de bourses Beca Chile. Ce dernier finance 100 % des études à l’étranger des Chiliens et des étrangers ­résidant au Chili. Seules conditions : être reçu dans l’une des 150 meilleures universités du monde et rentrer ensuite au pays pour exercer pendant plusieurs années. Mais si Santiago séduit autant les investisseurs et les entreprises, c’est aussi parce qu’il y fait bon vivre. A seulement une heure tant des plages que de la montagne, cette ville, la plupart du temps ensoleillée, jouit d’un climat méditerranéen. Moderne, connectée, reliée, grâce à des autoroutes urbaines, aux centres d’affaires, elle dispose d’établissements scolaires, d’universités et d’une santé privée de grande qualité. « Et il n’est pas dangereux pour un ministre ou un chef d’entreprise de marcher dans la rue, ce qui n’est pas le cas dans certains pays voisins », ajoute Javier Vega, de la Sofofa, le syndicat patronal le plus influent du pays. De fait, le marché de la voiture blindée ne s’est pas développé à Santiago, car « personne n’en a besoin ici », souligne Peter Hill. « Le seul point noir de cette ville, c’est la pollution, même si, dans les quartiers chic, on en respire moins ! » Et si Santiago donne parfois l’impression d’être au bout du monde, la compagnie aérienne chiléno-brésilienne LATAM dispose de 50 routes qui la relient au monde. De quoi en faire un hub de premier ordre, à condition toutefois que Santiago ne soit pas trop dépendante tant des cours du cuivre, en chute libre, que de l’économie chinoise, première consommatrice de cuivre du monde.

Gastronomie

Etal de légumes dans le centre de Santiago

Le produit, toujours le produit, rien que le produit… Ainsi pouvait‑on résumer la gastronomie chilienne à l’aube du XXIe siècle. Et des produits, il y en a à profusion : multiples variétés de pommes de terre, d’avocats aux noms pittoresques, de fruits tropicaux, olives, asperges, tomates à foison, fraises et raisins, agneau de Magellan, fruits de mer incomparables… Du caldillo de congrio (ragoût de congre) au crabe royal, d’oursins en huîtres et poissons multiples… Le produit fait‑il la gastronomie ? Sans doute en partie, dès lors que les influences culturelles liées à l’immigration donnent le ton, la cuisine d’origine semblant pour le moins rustique, bien que savoureuse. Ici, le petit personnel est souvent venu du Pérou, important la tradition nikkei, symbiose entre la cuisine japonaise et les produits péruviens. Les Français, débarqués au xixe siècle
puis dans l’après‑Pinochet, ont imprimé leur marque aux meilleurs restaurants, se servant allègrement de cette nature si riche. Pour autant, la jeune génération de cuisiniers chiliens ne s’en laisse plus conter. Leader incontesté de cette gastronomie née ex nihilo, Rodolfo Guzmán a été distingué par les San Pellegrino World’s Best Restaurants parmi les 50 meilleurs chefs du monde. Son credo ? Se réapproprier des produits locaux, autrefois délaissés par la bourgeoisie chilienne. Sa technique ? Le foraging, ou le fait de trouver par soi‑même les ingrédients naturels comme le faisaient, en d’autres siècles, cueilleurs, pêcheurs et chasseurs. Il s’inspire de la culture mapuche, travaille la fraise blanche et le persil de sable. A ses côtés, c’est toute une génération de jeunes chefs qui se sont réapproprié les produits locaux. Les côtelettes d’agneau au jus de romarin et charquicán (ragoût) créole de Guillermo Rodríguez, le filet de mérou aux fines herbes de Paula Larenas, la crème brûlée au lucuma de Pilar Rodríguez ou encore la mousse de yaourt à l’huile d’olive de Matías Palomo.

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