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Bertin Nahum
Bertin Nahum et le robot Rosa.
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The Good Business

Bertin Nahum, l’inventeur français du robot neurochirurgical

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Fondateur à Montpellier et à New York d’une double start-up, Medtech, dont le robot Rosa assiste et bouleverse les techniques de la chirurgie crânienne, Bertin Nahum se place quatrième créatif le plus révolutionnaire de la planète selon le magazine scientifique canadien Discovery Series. Un titre ronflant qui n’est rien en comparaison du réel savoir-faire de cet ingénieur français d’origine béninoise, admis à franchir les bastions les plus fermés de la neurochirurgie mondiale.

Pas facile de retrouver la trace, chez cet ambassadeur de la chirurgie du futur, de l’élève moyen qu’un prof de maths encouragea à poursuivre sa scolarité jusqu’au bac. Quelques années plus tard, après l’IUT de Grenoble, il profite d’une bourse Erasmus pour intégrer Coventry University, au Royaume-Uni, d’où il ressort armé d’un Master of Sciences in Robotics, précieux sésame pour rejoindre l’INSA de Lyon, par la petite porte, comme étudiant étranger diplômé d’une université britannique. Bertin Nahum étrenne alors son périple avec une start-up grenobloise, bientôt rachetée par l’américain Intuitive Surgical, l’actuel géant mondial de la chirurgie robotique qui pèse 20 milliards de dollars. Il fait un crochet par l’Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (IRCAD), un centre de robotique chirurgical mondialement réputé, avant d’être repéré par une société toulousaine. Il y reste six mois, le temps de comprendre que la PME n’est pas équipée de l’esprit guerrier indispensable au développement d’une idée qui le taraude : lancer sur le marché français un robot spécialisé dans la chirurgie orthopédique du genou.

A la conquête des États-Unis
Le guerrier Nahum plaque ces apôtres du « on-verra-plus-tard », passe le concours d’aide à la création d’entreprise, dont il est le lauréat 2001, et investit la précieuse subvention de 200 000 euros, le seul coup de pouce financier français qu’il ait jamais reçu, dans la création, en 2002, de son actuelle start-up basée à Montpellier. Avec un associé et deux ingénieurs, il met au point Brigit, son premier robot spécialisé dans la chirurgie du genou. Bientôt au bord du gouffre faute de subsides, la perle du Languedoc-Roussillon sera finalement pistée par une entreprise américaine de l’Indiana, leader mondial de la chirurgie orthopédique, qui injecte 400 000 dollars dans l’affaire… mais achète, en échange, les brevets de Brigit. C’est alors que Bertin Nahum se lance sur le marché de l’assistance en neurochirurgie, avec, cette fois, un robot bien à lui, Rosa, dont l’avenir commercial passe par sa nécessaire vente en direct aux États-Unis. L’inventeur confie alors la PME française à son associé et part s’installer, avec femme et enfants, à Newark, près de New York, aussi stratégique que Manhattan, mais moins onéreuse. Il y reste deux ans, le temps de créer Medtech Surgical, l’actuelle filiale américaine de Medtech (elle vend aujourd’hui une quinzaine de robots par an aux États-Unis) et de voir ses fils acquérir cette toute américaine « confiance en soi ». « Mais oui, là-bas, cela s’enseigne ! s’exclame Bertin Nahum, tout en se désolant de voir la France s’autoflageller en permanence. Nous avons en France une productivité excellente, et nous passons notre temps à dire que les autres sont meilleurs ! A l’époque de notre premier robot, l’entreprise américaine Zimmer, qui nous a abordés, n’en revenait pas de nous voir faire à quatre ce qui, chez eux, réclamait au moins quarante personnes ! »

La start-up d’aujourd’hui n’a toujours rien d’un bunker scientifique qui grouille de blouses blanches. Pourtant, soutenue par un fonds d’investissement et préparant son entrée à la Bourse de Paris, elle s’apprête à passer de 20 à 40 employés et son chiffre d’affaires, de 2 millions d’euros, pourrait doubler d’ici à fin 2014. A 13h30, on y trouve de jeunes ingénieurs concentrés sur leur écran, une fourchette plantée dans une barquette de paella. Quelques mètres plus loin, deux Rosa bien empaquetés sont prêts pour leur imminente expédition vers Houston, au Texas, et Moscou. Le « garage de la table d’opération », nom de baptême donné par la petite équipe solidaire, se blottit en toute discrétion au bout d’un couloir. Y trône un Rosa dont le bras articulé survole un mannequin-tronc allongé ventre ouvert sur une table. On y voit, reproduite dans ses moindres détails, une colonne vertébrale qu’il sera bientôt à même d’opérer sur de vrais patients, et ce dès 2013. « Une chirurgie du rachis aux perspectives inouïes », lance Bertin Nahum, dont le dernier business-plan table sur plusieurs dizaines de millions d’euros dans les prochaines années. Fraîchement revenu d’une tournée en Corée du Sud et au Japon, après s’être arrêté en Russie et en Chine, l’entrepreneur globe-trotteur avoue mieux vendre son produit star à l’étranger que dans son propre pays. Et de soupirer : « En matière de business, être français en France reste un handicap. » La France aurait-elle un problème avec les entrepreneurs ? Sérieusement, ça se saurait, non ?

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