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Grâce à une extension sur la mer de 650 ha, Hong Kong aura, d’ici à 2030, une troisième piste d’atterrissage. Un chantier à 14,6 Mds €.
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The Good Business

Hong Kong en pleine « smart » mutation

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Face à la concurrence des mégapoles chinoises, Hong Kong ne lâche rien pour se maintenir dans la course. La ville multiplie les chantiers colossaux – tous smart, forcément.

Avec son décor à la Blade Runner, ses gratte-ciel accrochés à flanc de montagne et ses passerelles qui évitent aux piétons de frayer avec les voitures, Hong Kong a toujours été « la » ville du futur. Dynamique et en perpétuelle mutation. Et si ses éternels échafaudages de bambous permettent de garder ce qu’il faut de nostalgie, l’ancienne colonie britannique a toujours eu l’innovation chevillée au corps. Il y a vingt ans, Hong Kong était déjà précurseur en lançant sa carte sans contact Octopus, qui fascine les touristes de passage : un moyen de paiement utilisé pour 13 millions de transactions quotidiennes dans les transports en commun, les supermarchés et même à l’hôpital…

Aujourd’hui, l’Internet des objets gagne du terrain, que ce soit pour la circulation routière, le niveau d’eau dans les égouts ou le risque de glissement de terrain. Et l’exécutif local, qui vend Hong Kong comme « la ville mondiale d’Asie », veut aller plus loin pour renforcer son attractivité auprès des entreprises et des talents, avec 34 000 hotspots Wi-Fi d’ici à 2019 et un réseau 5G. L’objectif principal de cette politique de smart city : le développement économique. En 2013, le 13e plan quinquennal du gouvernement central chinois a fixé comme feuille de route à la plus internationale de ses villes de renforcer son statut de centre mondial de la finance, de la navigation et du commerce. Plusieurs projets sont déjà lancés pour permettre au « port aux parfums » de rester en selle, notamment la construction du nouveau quartier des affaires de Kowloon East et l’agrandissement de son aéroport.

Grâce à une extension sur la mer de 650 ha, Hong Kong aura, d’ici à 2030, une troisième piste d’atterrissage. Un chantier à 14,6 Mds €.
Grâce à une extension sur la mer de 650 ha, Hong Kong aura, d’ici à 2030, une troisième piste d’atterrissage. Un chantier à 14,6 Mds €. DR

Pour ce dernier – un chantier dantesque à 14,6 milliards d’euros –, la ville archipel a une nouvelle fois repoussé les limites et contraintes physiques de son territoire exigu et montagneux. Grâce à une extension sur la mer de 650 hectares, Hong Kong aura, d’ici à 2030, une troisième piste d’atterrissage qui lui permettra d’accueillir 100 millions de passagers par an, contre 73 aujourd’hui. La ville devrait ainsi conforter sa place de numéro un du cargo, avec 4,7 millions de tonnes par an.

Dans cet aéroport lui aussi smart, les nouvelles technologies seront partout. Environ 10 000 capteurs y sont déjà déployés pour analyser le nombre de passagers, la manutention des bagages, et même les toilettes, selon le directeur exécutif de l’aéroport international de Hong Kong, Cissy Chan. Demain, l’Internet des objets servira à mieux gérer les foules et les files d’attente ou les chariots à bagages et les parkings. Dès cette année, la reconnaissance faciale permettra aux passagers de ne présenter leur passeport qu’une seule fois.

Au niveau des pistes, Hong Kong utilise déjà des caméras à haute vitesse qui facilitent l’inspection et la vérification automatique de l’éclairage des aérodromes et réduisent le temps de contrôle de « un mois à une nuit », selon le porte-parole d’Airport Authority Hong Kong, qui teste aussi un système automatisé de détection des débris d’objets étrangers. Et bientôt, peut-être, des drones pour l’inspection des pistes. En face de l’aéroport a émergé une île artificielle de 140 hectares.

Autre chantier pharaonique, le pont-tunnel reliant Hong Kong à Macao via Zhuhai.
Autre chantier pharaonique, le pont-tunnel reliant Hong Kong à Macao via Zhuhai. DR

C’est là que débouchera dans les prochaines semaines le pont-tunnel reliant Hong Kong à Macao via Zhuhai, dans la province du Guangdong. Encore un chantier pharaonique qui va dans le sens du rapprochement entre l’ancienne colonie et la Chine continentale. Lancé en 2009, le projet de près de 13 milliards d’euros se compose de 55 kilomètres de ponts et de tunnels qui permettront de doper les échanges commerciaux en rapprochant de façon spectaculaire les deux rives de l’estuaire de la rivière des Perles et en connectant 11 villes et plus de 66 millions de personnes. Pékin ambitionne de faire de cette « Grande Baie » rien de moins qu’une concurrente de la Silicon Valley.

Le PIB de cette région virtuelle dépassait 1 100 milliards d’euros en 2016. « Ce sera un laboratoire pour toute la Chine, avec des opportunités considérables, notamment pour les Français », assure David Baverez, investisseur privé français basé à Hong Kong. Il est convaincu que « l’avenir se trouve là ».

Hong Kong, un poumon technologique…

Avec les infrastructures, Pékin pose les jalons. Aux acteurs locaux et économiques de faire le reste. Et le gouvernement hong-kongais pousse pour convaincre les investisseurs du rôle de « superconnecteur » que l’ancienne colonie pourrait y jouer, ainsi que celui de leader en R&D. Réputée pour ses chercheurs en intelligence artificielle, Hong Kong compte un vivier d’entreprises de renom, comme SenseTime, la licorne spécialisée dans la reconnaissance faciale. Les autorités entendent dynamiser encore ces compétences avec le projet ambitieux de relier Hong Kong à sa voisine Shenzhen au travers d’un parc scientifique (Hong Kong-Shenzhen Innovation and Technology Park) consacré notamment aux technologies de la santé et à la robotique : 87 hectares de laboratoires et de bureaux sur une zone marécageuse à cheval entre les deux villes.

L’idée, officialisée il y a un an, est d’attirer les talents, de créer un incubateur pour les géants de la tech, de revitaliser l’économie de Hong Kong et d’alimenter le bouillonnement naissant des start-up de Shenzhen. Il s’agit de profiter des usines et de la production de technologie de pointe de Shenzhen tout en conservant le cadre juridique et commercial de Hong Kong.

Le projet en dit long sur les aspirations de la ville archipel à se diversifier, à être un poumon technologique et plus seulement un centre financier ou un paradis de centres commerciaux. Pas moins de 50 milliards de dollars hong-kongais (5 milliards d’euros) ont ainsi été prévus pour l’innovation et les technologies.

Kowloon East, le futur centre des affaires, est en pleine mutation. Sur l’ancienne piste d’atterrissage, 100 ha de verdure et un immense terminal de croisière.
Kowloon East, le futur centre des affaires, est en pleine mutation. Sur l’ancienne piste d’atterrissage, 100 ha de verdure et un immense terminal de croisière. Anthony Kwan

Hong Kong, un poumon culturel

Hong Kong se rêve aussi en capitale culturelle. Et c’est peut-être là que la mégapole a le plus de pain sur la planche. Car c’est par son marché et non par sa créativité ou son histoire que la ville est entrée dans le monde de l’art. Le West Kowloon Cultural District (WKCD) doit être le visage de cette évolution. C’est sans conteste le projet phare de Hong Kong – le plus controversé aussi, un serpent de mer en gestation depuis plus de vingt ans.

Au total, 40 hectares – là encore gagnés sur la mer – qui deviendront un immense quartier dédié à l’art et à la culture, avec une quinzaine de salles de spectacles, des lieux de résidence, mais aussi deux musées : le très attendu M+ et la très polémique antenne du musée du palais de Pékin. Le tout à un jet de pierre d’une gare TGV qui permettra, dès cet automne, de gagner Canton, à 170 kilomètres, en moins de quarante- cinq minutes. Les pelouses de son vaste parc s’ouvrent déjà le temps d’événements ponctuels. Mais les rideaux de ses théâtres ne devraient se lever, au mieux, qu’en fin d’année pour l’opéra.

La navette autonome Arma, véhicule sans chauffeur de la start-up française Navya, devrait aussi prendre du service dans les prochains mois pour transporter les piétons (onze à la fois). Mais cet atout smart du parc à 208 000 euros ne fait pas mouche tant son prix est fustigé, tout comme l’est l’ensemble du chantier, taxé d’« abysse fiscal ». Les coûts de construction ont explosé de 136 % selon le président de WKCD, Henry Tang, et il va falloir émettre des bons d’emprunt pour éponger 1,2 milliard d’euros de déficit de financement pour les quinze années à venir. En coulisses toutefois, c’est l’ébullition. L’opéra cantonais se prépare pour son retour dans une salle dédiée. Il devrait être le premier à ouvrir le bal de West Kowloon – de quoi mettre en sourdine le bourbier financier et politique.


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