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Grands crus à bord : la carte des vins, un argument commercial ?

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Avec la gastronomie, les vins sont devenus un argument commercial pour attirer les passagers, notamment ceux des business-classes et des premières. Vitrine nationale et opportunité de se distinguer, la carte des vins monte en gamme.

Certes, les quelque 4 milliards de passagers aériens recensés en 2017 n’ont pas forcément consommé des crus prestigieux de vin ou du champagne… Bien sûr, la qualité des produits servis en classe économique n’est absolument pas comparable à celle des classes avant… Mais quelques millions de bouteilles ont tout de même été vidées dans le ciel !

Et pour les compagnies aériennes qui voient là un moyen de se démarquer de leurs concurrentes en proposant, essentiellement à ses passagers business et première, quelques-uns des meilleurs nectars du monde, les choses ne sont pas à prendre à la légère.

Longtemps anecdotique, la sélection des vins est aujourd’hui un business florissant, car les compagnies font appel à des experts reconnus pour choisir les vins et les champagnes proposés sur les vols moyen et long-courriers. Un argument commercial, récompensé dans le meilleur des cas par le classement Cellars in the Sky, qui fête, cette année, sa 32e édition.

Ana a sollicité le Master of Wine Ned Goodwin pour l’aider à choisir les vins qui seront proposés dans ses classes avant.
Ana a sollicité le Master of Wine Ned Goodwin pour l’aider à choisir les vins qui seront proposés dans ses classes avant. DR

Pas question, pour autant, de se contenter d’acheter de belles étiquettes au petit bonheur la chance. Les compagnies et leurs conseils font un travail de dégustation méthodique tout en optant, bien souvent, pour des vins qui seront la vitrine de leur pays d’origine. La TAP Portugal a ainsi lancé, à l’automne dernier, un appel d’offres auprès des « petits, moyens et gros » producteurs de vin portugais pour sélectionner les vins rouges, rosés, blancs, effervescents, mais aussi les portos et moscatels, qui seront servis à bord de ses avions. Un marché de plus de 2,5 millions de bouteilles pour les deux prochaines années, qui doit aussi aider à la promotion des vins portugais auprès des clients de la compagnie sur les 85 destinations desservies par son réseau.

De son côté, Air France demeure sans doute la seule compagnie au monde à proposer du champagne à tous ses passagers, quelle que soit la classe, sur ses vols moyen et long-courriers. Et à mettre en valeur nos différentes régions viticoles sur ses cartes des vins réservées aux classes avant.

« Air France ne propose que des vins français, qui participent à l’excellence du service, avec des chefs réputés pour la gastronomie et les plus grandes maisons pour les arts de la table, observe Thierry Desseauve, directeur général de Bettane & Desseauve, qui prend part depuis quatre ans au choix des vins pour les business-classes et les premières de la compagnie. Nous n’avons pas besoin d’aller voir ailleurs pour offrir le meilleur. » Il faut dire qu’Air France dispose d’un budget considérable de quelque 20 millions d’euros par an (une estimation, aucun chiffre précis n’a été communiqué officiellement).

Qatar Airways est première du classement Cellars in the Sky du meilleur effervescent grâce au champagne Krug Grande Cuvée parmi ses crus prestigieux.
Qatar Airways est première du classement Cellars in the Sky du meilleur effervescent grâce au champagne Krug Grande Cuvée parmi ses crus prestigieux.

Une réserve de 3,8 millions de bouteilles de crus prestigieux

D’autres compagnies n’hésitent pas à élaborer des cartes de crus luxueux, quitte à tirer un trait sur la rentabilité, comme le font Emirates ou Singapore Airlines. La compagnie émirienne consacrerait ainsi 140 millions de dollars (montant estimé en 2015) en vins, dont 120 millions rien que pour les maisons françaises… C’est d’ailleurs en Bourgogne qu’Emirates stocke une partie de ses bouteilles (soit tout de même 3,8 millions de flacons), dans une zone industrielle à la périphérie de Beaune.

« Nous sommes la plus grande compagnie du monde, nous avons donc besoin de quantité, note Joost Heymeijer, Senior Vice President Inflight Catering d’Emirates. C’est un critère important qui nous permet, en outre, de conserver le vin dans de bonnes conditions et de proposer des millésimes à maturité. »

Quant au service à bord, là encore, les compagnies rivalisent d’imagination, car il semblerait que le goût des vins dégustés à plus de 40 000 pieds d’altitude ne soit pas exactement le même qu’au sol. Emirates, encore elle, a ainsi noué un partenariat avec Dom Pérignon pour concevoir un verre spécifique qui permet d’apprécier la délicatesse des bulles dans les meilleures conditions, quelle que soit l’altitude.

Japan Airlines va encore plus loin en recrutant son personnel au diplôme. Ainsi, un tiers de ses hôtesses sont sommelières et visitent régulièrement les grandes maisons champenoises pour se maintenir au sommet de leur art. « Nous proposons régulièrement des formations au personnel de bord, que ce soit à Reims ou directement dans les avions ou les aéroports », explique Clovis Taittinger, directeur général délégué de la maison familiale du même nom.

Beaucoup d’efforts pour quelques privilégiés : « En 2016, la première représentait 9 500 bouteilles de champagne pour 40 000 clients, mais les business équivalaient à 428 000 bouteilles pour 2 millions de clients », souligne Ghislaine Van Branteghem, responsable de la restauration embarquée pour Air France. Un marché clé pour les maisons viticoles, qui doivent résister à la pression commerciale des compagnies, toujours à la recherche de la meilleure marge. « Les classes supérieures sont très intéressantes en termes d’exposition de nos produits, reconnaît Charles Philipponnat, qui préside la maison champenoise homonyme. Mais il est souvent difficile de négocier dans des conditions favorables, car le marché, surtout sur le champagne, est très compétitif. Si la compagnie veut jouer la qualité, tant mieux. Si ça ne passe pas, on ne s’acharne pas ! »


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