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La grouillante ville nouvelle de Gurugram (ex-Gurgaon) a été absorbée par la capitale indienne.
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Delhi, défis tentaculaires pour une ville en mouvement

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Dépassée par l’accroissement vertigineux de sa population, la capitale indienne est en train de reprendre son destin en main. Caractérisée par ses armées de fonctionnaires et ses problèmes de pollution, elle joue désormais les locomotives d’une économie indienne convalescente.

Delhi : difficile répartition des pouvoirs

Pour les acteurs économiques, l’enchevêtrement des responsabilités est un casse-tête. « Travailler ici nécessite d’être en contact avec d’innombrables instances et de développer un solide réseau de connaissances », confie Caroline Mulliez, responsable de Decathlon à Delhi. L’enseigne française d’articles de sport est en pleine expansion, avec bientôt 60 magasins dans tout le pays, dont 10 dans la capitale. Mais pour ouvrir une nouvelle adresse, il lui faut patienter « en moyenne un an et demi » avant d’obtenir les licences. Et quand l’activité tourne, difficile de savoir à qui s’adresser lorsque se présente un problème de servitude. Au gouvernement du territoire de Delhi, dirigé actuellement par le ministre en chef Arvind Kejriwal, se superposent la Municipal Corporation of Delhi (MCD) et l’Etat fédéral, représenté par un lieutenant gouverneur. « Tout ce petit monde se fréquente avec courtoisie, mais des frictions liées à la répartition des pouvoirs se manifestent épisodiquement », fait remarquer T. C. A. Rangachari, ancien ambassadeur de l’Inde en France. « Le gouvernement régional est responsable de l’éducation, de la santé, des routes et de l’électricité, tandis que le gouvernement fédéral a la haute main sur le foncier et la police », précise-t-il. S’agissant, par exemple, de l’approvisionnement en eau, la NCR a affaire non seulement à l’Uttar Pradesh, par où transite un canal alimenté par le Gange, mais aussi à l’Haryana, d’où arrive une grosse canalisation complémentaire, et au Pendjab, d’où est originaire la nappe phréatique dans laquelle Delhi pompe pour l’irrigation.

L’agglomération de Delhi s’est même étendue aux états limitrophes, comme celui de l’Haryana, où se trouve l’ultrabétonnée ville de Gurugram.
L’agglomération de Delhi s’est même étendue aux états limitrophes, comme celui de l’Haryana, où se trouve l’ultrabétonnée ville de Gurugram. Fabien Charuau

« Le gouvernement fédéral jouit d’un droit de regard sur les affaires de Delhi, mais le pouvoir est clairement entre les mains du ministre en chef », tient toutefois à souligner Sheila Dikshit, une figure du parti du Congrès de la dynastie Nehru-Gandhi qui occupa elle-même ce poste, de 1998 à 2013. Nous la rencontrons à son domicile de Nizamuddin, une enclave redevenue récemment très en vogue. A ses yeux, l’attractivité de Delhi vient essentiellement de son statut de capitale. « Par principe, tous les Indiens ont le droit de s’y installer. Il y a des gens qui parcourent 200 kilomètres chaque jour pour venir y travailler », indique celle à qui Delhi doit son métro, ses viaducs routiers et la fierté d’avoir été la première ville du monde à se doter d’autobus au gaz, ce qui fit à l’époque refluer la pollution.

Parikrama, le restaurant panoramique qui domine Connaught Place.
Parikrama, le restaurant panoramique qui domine Connaught Place. Fabien Charuau

Malgré tous les défis qu’elle doit encore relever, Delhi voit l’avenir en rose. « Ce qui fait la différence avec d’autres grandes métropoles du pays, c’est l’alchimie qui prévaut ici entre un grand professionnalisme et une certaine nonchalance », observe Gaurav Gupta, l’un des jeunes stylistes les plus remarqués de la capitale, célèbre pour ses saris revisités et ses robes futuristes. Le crâne savamment rasé, ce dernier nous reçoit dans son atelier de création, à Noida, son fief familial. Selon lui, Delhi est clairement devenue « le hub du design et des créateurs », dans tous les domaines. « Les gens d’ici manquent de sens civique et se comportent un peu comme des enfants gâtés, mais on s’amuse beaucoup, grâce aux fêtes qui sont organisées dans les farm houses ou dans les hôtels de luxe », explique-t-il.

Certains quartiers attirent une clientèle aisée grâce à leurs restaurants et boutiques haut de gamme, à l’image de Hauz Khas.
Certains quartiers attirent une clientèle aisée grâce à leurs restaurants et boutiques haut de gamme, à l’image de Hauz Khas. Fabien Charuau

« C’est la ville la plus excitante de l’Inde, la capitale du business et de la culture, où l’on croise tous les gens qui comptent », ajoute V. Sunil, un gourou de la pub qui dirige le magazine Motherland et qui vient de se lancer dans l’hôtellerie. « Cette ville oscille toujours entre le tangible et l’intangible », juge pour sa part le designer et scénographe Rajeev Sethi, natif de Delhi, qui a mis en scène un musée de l’histoire de l’Inde dans le nouveau terminal de l’aéroport de Bombay. A ses yeux, Delhi est « très provinciale » malgré sa taille, « plus laide et plus arrogante qu’avant », mais en même temps « plus efficace ». « Tout a tellement changé ! » soupire-t-il : les sons, le langage, les odeurs… et jusqu’à la texture des leurs. Il se souvient qu’enfant, dans les années 50, il arrivait à « entendre le temps s’écouler ». C’était un autre monde.

Chandni Vhowk, l’un des marchés les plus anciens d’Old Delhi.
Chandni Vhowk, l’un des marchés les plus anciens d’Old Delhi. Fabien Charuau

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