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Paula Gerbase, la main (féminine) de John Lobb
Paula Gerbase, la main (féminine) de John Lobb.
melanie

Lifestyle

Rencontre avec Paula Gerbase, la main (féminine) de John Lobb

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On ne présente plus le grand chausseur made in Britain (mais qui appartient à Hermès) dont l’artisanat fait le bonheur des connaisseurs. Désormais, Paula Gerbase, sa directrice artistique de 34 ans, d’origine italo‑allemande vient de livrer sa très estivale quatrième saison. C’est sublime !

Directrice artistique de la prestigieuse marque de chaussures John Lobb (@johnlobb) depuis juin 2014, Paula Gerbase demeure une fille assez simple qui se présente sans chichi. Enfoncée dans un ample manteau noir, elle est impatiente de filer en Suisse dès le week-end pour skier avec son boyfriend et retrouver son berger allemand adoré. Ce teint de neige relevé d’une frange brune sur des yeux noirs témoigne d’origines italienne et… allemande ! Ses parents médecins l’ont emmenée un peu partout dans le monde dès le biberon – son père était employé par l’ONU. Ils lui ont appris que la curiosité n’était pas un vilain défaut et, aujourd’hui, Gerbase est un peu comme une gosse lâchée dans un magasin de confitures. Chez John Lobb, elle explore, dépoussière, rajeunit, tout en continuant sa propre marque de mode baptisée « 1205 ». Au fait, dear sir John Lobb, sachez que votre successeur se présente en interview chaussée de superbes… Nike Flyknit Raicers noir et blanc achetées à Tokyo – elle les collectionne ! Paula Gerbase soigne son look « Tomboy », chinant des vêtements d’hommes qu’elle trouve bien mieux coupés que ceux des femmes… Et, en la matière, soyez-en sûrs, la jeune femme sait de quoi elle parle !

Modèle « Drift Burnt Umber Moorland Grain », chez John Lobb, collection printemps-été 2017.
Modèle « Drift Burnt Umber Moorland Grain », chez John Lobb, collection printemps-été 2017. DR

The Good Life : Qu’est-ce qui vous intéresse dans la création ?
Paula Gerbase : La transformation manuelle me fascine. Je dessine depuis que je sais tenir un crayon. Gamine, je réalisais aussi des objets en pâte à modeler. Au Brésil, où j’ai vécu six ans, je faisais de la poterie. Puis, aux États-Unis, une copine japonaise m’a appris l’origami. J’avais 7 ans et ce fut une révélation. J’en fais toujours ! Comme en dessin, on commence à plat pour ensuite passer au volume. J’ai eu de la chance parce que mes parents nomades me traînaient dans les expositions, les églises. Ces voyages m’ont donné le goût de la nouveauté, de la fraîcheur, et de la curiosité pour ce qui reste à découvrir.

TGL : Quel est votre parcours de designer ?
P. G. : J’ai étudié au Central Saint Martins College of Art and Design de Londres. En parallèle, comme je souhaitais ajouter une dimension technique à ma formation, j’ai travaillé chez Hardy Amies, dernière maison de couture féminine anglaise. Je voulais apprendre à monter une manche, absorber la technique. Puis, j’ai fait de même avec le vêtement masculin chez Kilgour, grande pointure dans le domaine du bespoke [sur-mesure, NDLR].

TGL : Pourquoi vouloir mettre les mains « dans le cambouis » ?
P. G. : En maîtrisant la technique, qui n’est pas si lourde – ni si ingrate –, on a le vocabulaire et l’expérience pour discuter avec l’artisan qui, justement, va réaliser l’objet qu’on a conçu. Côté chaussures, le processus est le même qu’en mode. On part de la matière qui mène à une idée. Chez John Lobb, j’ai pu passer beaucoup de temps avec les artisans. Je n’avais jamais fait de chaussures auparavant et je voulais créer un dialogue avec les ateliers, la marque et ses produits.

TGL : Qu’avez-vous découvert dans ces ateliers ?
P. G. : D’abord qu’il existe diverses spécialités autour du cuir. Ensuite, que le chef d’atelier a des archives de « ouf » ! Je fouille aussi dans les placards à Paris et dans ce grenier perdu découvert dans la manufacture de Northampton. J’ai ainsi exhumé des bottes de ski, des patins à glace et un veau velours ciré, dont j’ai tiré un modèle conçu selon la technique « plimsole » : la chaussure est si souple qu’elle plie comme un chausson, tout en demeurant une bonne chaussure de ville, bien rigide. C’est une première chez John Lobb. Car, comme une petite souris, j’ai aussi écouté les clients en boutique, bien plus ouverts à la nouveauté que ce que je croyais.

TGL : Cela semble une bonne expérience, en somme !
P. G. : On a tous pris notre rythme. Les ateliers apportent des idées, un essai, et cela me nourrit. Je retrouve une sorte de famille créative où chacun se sent en confiance. En fait, j’aime les cadres étroits, comme l’univers masculin qui est très codifié. De plus, la marque apporte une distinction dans laquelle ses clients se reconnaissent. Ce qui ne m’a pas empêchée de remettre au goût du jour le logo de 1860 ni de rétablir la couleur prune des emballages d’origine. Je veux redonner son caractère à la marque tout en l’inscrivant dans la modernité.

TGL : Un petit mot sur votre collection d’été pour John Lobb ?
P. G. : Je propose le modèle Porth, une basket en veau velours ou cuir grené, coupé « all cut », une peau de cuir d’un seul tenant. Il porte les coutures et la nervure sur le nez du plateau, ce qui est un signe de reconnaissance entre clients. J’ai aussi revisité la chaussure bateau des années 80 et créé le Hayes à doubles boucles et coutures main. Sa facture est proche du sur-mesure, mais c’est du prêt-à-porter limité à 1 000 exemplaires.

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