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La maison Bonnet, une vision hors mode
L’écaille, matière rare et précieuse, strictement réglementée. Proche de la peau, elle prend sa température, s’autogreffe et se répare facilement.
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The Good Business

Maison Bonnet : les lunettes parmi les plus élégantes du monde

The Good Business

Lunetiers de père en fils depuis quatre générations, les Bonnet façonnent sur mesure des lunettes en écaille à l’élégance discrète, qui incarnent l’acmé du style. Gestes et secrets de ce savoir-faire se transmettent depuis quatre-vingts ans, tissant une histoire de famille, d’héritage et de modernité.

L’économie de l’exception

Chaque année, la maison Bonnet crée en moyenne 1 000 montures, avec une progression annuelle d’environ 150 paires de lunettes. Pour 2016, 1 200 paires sont inscrites dans le carnet de commandes. A combien s’élève la facture pour ces objets conçus sur mesure ? A partir de 1 150 € pour une monture en acétate et de 1 600 € pour une monture en corne. Ajoutez les verres, avec un devis variable selon la qualité. La maison ne dévoile pas le prix de ses montures d’écaille. Prévoyez de casser votre tirelire si vous désirez vous offrir des lunettes pour la vie – ou presque.

Matières précieuses

Depuis la cave, on peut explorer l’atelier et le laboratoire dans lesquels s’opère la mystérieuse alchimie de l’écaille, de la corne ou de la bio-acétate. Une fourmilière où s’activent orthoptiste, styliste, opticien… Une petite équipe dont l’âge moyen tourne autour de la trentaine. « On est loin de l’image traditionnelle de l’artisan. Ici, c’est une maison ancienne avec des gens jeunes », plaisante Franck Bonnet, tombé, dès l’enfance, dans la marmite de la lunetterie, comme son frère Steven.

Leur antre iconoclaste est peuplé de formes iconiques, rééditions de montures culte liées aux célébrités qui confiaient la création de leurs lunettes à la maison Bonnet. La collection comprend aussi L’Air du temps, une petite série mariant classicisme et jeunesse. Une ligne Créateurs, née en 2009, édite désormais les modèles inédits de designers ou de joailliers. « J’aime qu’on puisse trouver chez nous une esthétique années 50 qui ne singe pas le vintage et, en ce moment, je m’inspire beaucoup des années 70 et des débuts de l’oversize », raconte Franck Bonnet, qui continue d’enrichir le catalogue.

Du sur-mesure en 10 étapes

Il faut dix étapes pour concrétiser le rêve d’une paire de lunettes sur mesure. « On vous regarde beaucoup, on vous scrute, même. On décode votre personnalité. Une intimité s’installe : on touche de près à l’image. » Pour le premier rendez-vous, il faut compter au moins une heure et demie. Le client passe alors entre des mains expertes qui feront le point sur sa vue avant d’être accompagné dans son choix de monture. En général, toute l’équipe commence par offrir son regard, puis un lien privilégié se crée, selon la personnalité du client. L’œil acéré de Cécile Bon, directrice de la boutique ? Le franc-parler de Franck Bonnet, qui a le tutoiement facile et l’empathie naturelle ? « C’est pire qu’une psychothérapie, on apprend plein de choses sur soi ! » plaisante le président, dont le regard vous scrute jusqu’à trouver la forme idéale. Luxe discret de la simplicité absolue ou parti pris extravagant ? Il reste ensuite à choisir la matière, à cibler la bonne couleur… Ciseler, surtout, en prenant mille mesures, le parfait équilibre des angles et les points d’appui nez-pommettes-oreilles qui donneront aux lunettes la légèreté d’un papillon, ce qui permet d’oublier leur présence.

Mais l’ADN de la maison, c’est d’abord ce contact approfondi avec le client dans le but de concevoir des montures qui sauront sublimer sa personnalité. Le concept étant de ne pas se faire remarquer pour ses lunettes, mais pour soi-même !

Avant que l’un des deux ateliers, celui de Sens, où officie Christian Bonnet, ou celui de Paris, ne s’attaque à la matière pour la façonner, la biseauter, la facetter et dompter la lumière, un long processus se déroule entre le client et l’équipe. Une aventure qui ne ressemble en rien à ce qu’on vit habituellement chez un opticien, faite de paroles, d’échanges, de regards aiguisés et de mesures affûtées… Pour ne tendre que vers un seul but : « Oublier les lunettes, et ne voir que la personne. »

Passage des Deux-Pavillons. 5, rue des Petits-Champs, Paris 1er.
Tél. +33 (0)1 42 96 46 35.
www.maisonbonnet.com

3 questions à Franck Bonnet

Président de la maison Bonnet.

Frank Bonnet

The Good Life : Quels sont vos premiers souvenirs dans la lunetterie ?
Franck Bonnet : L’atelier de mon grand-père, à Montreuil. Je me rappelle un grand foutoir et, surtout, ce petit établi sur lequel je m’amusais avec un bout d’écaille et une pointe. J’étais toujours dans les pattes des ouvriers. J’ai appris
la lunetterie, comme le fils d’un cuisinier apprend des recettes.
TGL : Comment le marché de l’optique a-t-il évolué ?
F. B. : Il y a eu une époque durant laquelle les opticiens savaient prendre des mesures. Tout a glissé au début des années 80, lorsque les créateurs de mode ont hissé les lunettes au rang d’accessoires de prêt-à-porter. Rappelez-vous : Emmanuelle Khanh et ses montures mouche. Elle a été la première à produire des lunettes sous licence, avec un fabricant du Jura. Puis Alain Mikli a initié la vogue des « créateurs » en 1978. A partir de là, l’appétit pour les lunettes s’est développé, mais on achetait d’abord l’identité d’une marque. Dans les années 90, les opticiens ont perdu leur savoir-faire et sont devenus des épiciers. Mon père pestait : il n’était plus possible de passer par des intermédiaires. Il lui a fallu prendre la route pour renouer un contact direct avec nos clients. Il fut le seul à résister aux changements.
TGL : Pourquoi êtes-vous amoureux de l’écaille ?
F. B. : Sa tonalité va du blond pur, translucide, plus ou moins jaspé, au noir profond, en passant par le rouge cerise. Cette matière naturelle, d’une grande stabilité, est absolument parfaite pour le sur-mesure : composée de kératine, elle est le matériel le plus intime de la peau. Totalement anallergique, extrêmement légère, elle ne glisse pas, prend la température du corps, et ne laisse aucune marque sur le nez. Comme elle ne se déforme pas, elle s’autogreffe et se soude parfaitement ; nous pouvons la réparer sans colle et sans faire de traces. C’est un matériau extrêmement rare : le stock mondial est aujourd’hui strictement réglementé, au bord de l’épuisement. Nous utilisons les réserves que mon grand-père et mon père ont eu la sagesse d’accumuler avant la convention de Washington…

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