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Musée de Demain, Centro
Le Musée de Demain, conçu par l’architecte espagnol Santiago Calatrava, Centro.
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Voyage

Sur la route de l’art dans les quartiers du Centro et du Porto à Rio

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Alors que les plages de la Zona Sul se livrent à une surenchère sans merci de couleurs vives indexées sur le spectre du soleil couchant, les quartiers du Centro et du Porto ne semblent légitimes qu’en dégradés de nuance sépia. Porté par les JO, le projet Porto Maravilha est lancé, mais il reste du chemin à parcourir…

Musée de Demain. Le nom est presque un oxymore, mais le bâtiment de Santiago ­Calatrava, à la silhouette de sauterelle transgénique, a bien pour vocation de faire décoller l’ancienne capitale du Brésil vers le futur. Partout dans le monde, la force centrifuge qui a jusqu’ici caractérisé l’urbanisme des métropoles est en train de s’inverser. Le processus est lent, coûteux et complexe : le chantier de la place Mauá, sur laquelle sont situés le musée de Demain et le musée d’Art de Rio (MAR) a duré six ans… « Le centre de Rio est magnifique, mais il n’a pas été traité avec l’attention qu’il méritait, et il concentre aujourd’hui beaucoup de pauvreté. Il pourrait retrouver une place importante, mais il faudrait pour cela que l’économie reprenne », avance Joanna Monteiro, directrice de création de l’agende de communication FCB Brasil. « Je pense que le futur de Rio passera par le centre », confie néanmoins Gabriela Moraes, directrice de la galerie de Nara Roesler. Elle assure d’ailleurs ne manquer aucune expo­sition au Centro cultural Banco do Brasil (CCBB) ou au Centre d’art Hélio Oiticica, tous deux installés dans des palais néoclassiques qui témoignent de la splendeur passée de la ville que découvrit Blaise Cendrars en descendant de bateau en 1924. Tandis que Los Angeles s’attache à réinjecter de la désirabilité Downtown, via l’ouverture d’hôtels et de restaurants qui se muent instantanément en aimants pour hipsters, et, par conséquent, dopent le prix du mètre carré, Rio aborde la revitalisation du site qui vit arriver les premiers colons et la famille royale portugaise en misant sur la contamination culturelle pour tous, boostée par l’amélioration des transports en commun qui seront, bientôt, le plus bel héritage des JO.

Bateau de croisière dans le port de Rio, à cheval sur 4 quartiers, dont celui du Centro.
Bateau de croisière dans le port de Rio, à cheval sur 4 quartiers, dont celui du Centro. Stevens Frémont
Le Musée de Demain, conçu par l’architecte espagnol Santiago Calatrava, Centro.
Le Musée de Demain, conçu par l’architecte espagnol Santiago Calatrava, Centro. Stevens Frémont
Le Théâtre municipal (1905-1909), de Francisco de Oliveira Passos, inspiré de l’Opéra Garnier.
Le Théâtre municipal (1905-1909), de Francisco de Oliveira Passos, inspiré de l’Opéra Garnier. Stevens Frémont

La gentrification en marche
« Les jeux Olympiques vont faire plus de bien à Rio que la Coupe du monde ! » affirme l’architecte Bel Lobo. Elle attend d’ailleurs avec impatience que le tramway sans caténaire desserve le quartier de Santo Cristo qui jouxte le port, ce qui ne manquera pas de faciliter l’accès à la Fábrica Bhering, qu’elle pourrait bien partiellement réhabiliter à la demande du propriétaire, et dans laquelle se trouve sa boutique Mooc (Moveis, objetos e ­outras ­coisas), qui mêle design contemporain et belles trouvailles chinées. Ancienne fabrique de chocolat construite en 1934, ­Bhering est depuis quelques années reconvertie en hub artistique, avec 20 000 m2 ­répartis sur six étages, une cinquantaine de créateurs, une vingtaine d’entrepreneurs et de boutiques, et des portes ouvertes le premier samedi de chaque mois, l’occasion de faire le tour des concept-stores qui s’y sont installés. Comme Belchior et son offre vintage soigneusement présentée (quelques vêtements de seconde main, mais, surtout, des stocks rachetés aux marques, dont des maillots Blue Man, collectors), ainsi que Trapiche Carioca, un immense espace rempli de meubles fabriqués sur place à partir de bois récupéré sur les chantiers de démolition du quartier. Il faut aussi citer ­Feira, la jardinerie sur cour, où tous les objets répondent au code couleur blanc-noir-beige défini par la directrice artistique, Kiti Duarte. Dans ce bâtiment industriel à l’apparence par endroits délabrée, les quelques ateliers visités sont lumineux et souvent minimalistes, à l’image de celui de la jeune architecte et plasticienne Caroline Martinez. « Ma génération ne peut plus se permettre matériellement de rester à Ipanema ou à Copacabana comme nos parents pouvaient encore le faire [sa mère est architecte, NDLR] et les jeunes vont s’installer à Flamengo ou à Botafogo, mais pas au Centro ni au Porto, explique-t-elle. J’ai un studio à Bhering depuis quatre ans et je vois vraiment le quartier se transformer. Les prix grimpent, d’ailleurs, car certaines personnes qui vivaient ici depuis longtemps ont cédé aux sirènes des investisseurs et ont vendu. » Si la gentrification est en marche, tout comme la reconnaissance institutionnelle – Bhering faisant officiellement partie du circuit ArtRio –, le ghetto culturel et social n’est cependant pas encore pour demain, et on ne peut que s’en réjouir.

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