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Le hall du bâtiment 2 du Johnson Space Center, à Houston (Texas)
Dans le hall du bâtiment 2 du Johnson Space Center, à Houston (Texas), les détails d’une fresque célébrant la conquête spatiale.
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The Good Business

Visite guidée au coeur de la Nasa à Houston

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Au Johnson Space Center de Houston, les astronautes s’entraînent au fond d’une piscine, tandis que les ingénieurs inventent la combinaison spatiale du futur. Dans toutes les têtes, un objectif fou : envoyer l’homme sur Mars. Visite au cœur de la Nasa, une agence dont l’aura n’est pas entamée par les restrictions budgétaires.

Un Space Center très années 60

Le NBL de Houston est situé à vingt minutes en voiture du Johnson Space Center. Plusieurs vigiles gardent l’entrée principale du complexe ; derrière les barbelés, 660 hectares de terrain, des labos en pagaille. Mais aussi une garderie, une salle de gym pour les employés et une autre réservée aux astronautes, où les exercices se compliquent, comme le jogging à l’horizontale.

Le bâtiment le plus célèbre ? Le numéro 30, Mission Control (« Houston, vous me recevez ? »), utilisé lors des missions Gemini, Apollo, Skylab, et le Space Shuttle program. Les bâtiments sont répartis en grappes, entourés d’étendues herbeuses. Le centre est si vaste que la Nasa possède même un troupeau de vaches Longhorn qui broutent ici à l’année. Nous sommes bien au Texas ! Au cœur du centre, un campus de la Rice University, racheté par le gouvernement en 1961, quand John F. Kennedy fit le serment d’envoyer un Américain sur la Lune par tous les moyens. D’aspect vieillot et austère, il ne colle pas avec notre imaginaire de la Nasa. « Vous avez remarqué, sourit Anna Seils, responsable communication, le centre a un côté clinique, très sixties, gouvernemental ! » Les employés de bureau évoluent dans des petits espaces individuels cubiques. « Les gens s’imaginent que les labos de la Nasa ressemblent à ceux du film Seul sur Mars, avec Matt Damon », s’amuse Anna Seils.

Autour de la base s’étend « Nasa Ville » : des lotissements de carte postale où réside une partie des 15 000 employés et leur famille, sans compter ceux de Space X et Boeing, également implantés à Houston. Plusieurs bâtiments du Johnson Space Center  font office de musées à la gloire des missions passées, mais dans le bâtiment 34, le labo des combinaisons spatiales, c’est toujours le futur qu’on invente. On y rencontre Ben ­Peters, chargé de développement de la « série Z », les combinaisons destinées aux futures explorations martiennes. Les combinaisons sont un monde en soi dans l’univers de la conquête spatiale. Au départ simples dérivés de celles des pilotes de chasse, elles deviennent, au fil des missions, des trésors de technologie. La Z1, sortie en 2014, ressemble à celle de Buzz l’Eclair dans Toy Story. La Z2 est en plein développement. « Elle a été enfilée par un humain pour la première fois mardi dernier », jubile Ben Peters. Le meilleur de la Z1 puis de la Z2 sera conservé pour élaborer la Z3.

Une combinaison hyperrésistante  

Ben Peters dévoile plusieurs prototypes sur une table du labo. Les Z s’enfilent comme un scaphandre, par l’arrière, comme si on ouvrait une porte. Autre point marquant, la généralisation des roulements à billes, deux ou trois par articulation. Ils facilitent la mobilité des membres et permettent de mieux s’adapter à la morphologie des astronautes, la profession s’étant féminisée. Un dilemme n’est toujours pas tranché : mieux vaut-il une ossature souple et gonflable, ou rigide, en époxy ? Pour chaque point technique (étoffe, roulement à billes), la Nasa fait un appel d’offres.

Les entreprises et les universités entrent en concurrence et décrochent une confortable cagnotte en cas de succès. Le bâtiment 34 fait office de chef d’orchestre et de centre de tests. Ben Peters résume les défis de la série Z. L’atmosphère corrosive de Mars ; la durée exceptionnelle du séjour – quasiment un an, contrairement à un court séjour sur la Lune ou un astéroïde. Les sorties seront nombreuses sur Mars, une attention particulière est réservée à la partie inférieure pour la robustesse, la résistance aux longues marches. « Elles doivent permettre de s’accroupir », contrairement aux combinaisons de l’ISS, pour lesquelles l’accent est avant tout mis sur la mobilité des bras.

L’étoffe doit résister aux températures extrêmes et aux agressions d’environnements hostiles à la vie humaine. Ben Peters rappelle l’anecdote de la poussière de Lune, extrêmement abrasive en raison de l’absence d’atmosphère, dont furent victimes les membres de la mission Apollo. Sans compter les micrométéorites bombardant les astronautes dans le vide…  Mais le chemin est encore bien long. Avant de se frotter à l’atmosphère de Mars, les Z iront d’abord tremper dans les eaux chlorées du NBL… « On verra ce qu’elles donnent, dit Paul Williamson. On est impatients. C’est pour ce genre de chose qu’on se lève le matin. »

Mission to Mars : concrètement, de quoi parle-t-on ?

Mars est située à environ 50 millions de kilomètres de la Terre. La Lune, à trois jours de distance, paraît, en comparaison, comme une destination d’agrément. Avec les technologies de propulsion actuelles, un aller simple pour Mars prendrait entre six et neuf mois ; un aller-retour, avec les activités d’exploration martienne sur place, deux à trois ans. Le pitch de Mission to Mars est le suivant : quatre astronautes passeront trois semaines dans la capsule Orion, jusqu’à ce que celle-ci s’attache à un vaisseau plus gros, Home, qui les emmènera sur Mars. Sur le plancher martien, des appartements auront été construits au préalable par une équipe de robots téléguidés depuis la Terre. Les astronautes resteront environ un an sur Mars pour explorer la planète avant de repartir. Si l’équipement est défectueux, le cri de l’astronaute ne sera pas entendu par Houston avant dix minutes…
A surveiller sur place : les tempêtes de poussière, les rudes hivers martiens où la température descend à – 175 °C, les radiations potentiellement cancérigènes. Sans parler des difficultés psychologiques. Durant les quinze prochaines années, les séjours confinés de longue durée sur Terre et dans l’espace se multiplieront pour étudier leurs effets sur le corps humain.

La Nasa en difficulté ?

« Houston, nous avons des problèmes. » Difficile, pour les fonctionnaires de Houston, de prédire le calendrier des envois d’astronautes ou du prochain décollage d’Orion. De nombreuses missions sont reportées sine die pour raisons techniques ou budgétaires. L’objectif d’envoyer l’être humain sur Mars dans les années 2030 est si exaltant qu’il en devient écrasant, et l’agence reste à la merci d’une force plus pesante que la gravité : la politique. Car c’est le Congrès qui alloue les budgets. « C’est le côté frustrant
de travailler pour la Nasa : tous les quatre ans, notre financement est sur le gril. Je n’ai aucune influence
sur les tours de vis du Congrès ou du président », explique Ben Peters. L’agence a perdu de son lustre auprès du contribuable faute d’un exploit récent. Elle n’envoie plus d’astronautes dans l’espace par ses propres moyens depuis la mise à la retraite des navettes, source d’un malentendu avec le grand public. Elle s’en remet aux Russes : pas bon pour l’ego. Dernier souci, la concurrence de pays émergents (Chine, Inde) en plus de l’Europe, et l’arrivée fracassante sur le marché d’une compagnie privée comme Space X, avec qui les partenariats se développent cependant. Si un petit côté Désert des Tartares s’est emparé de Mission Control, on sait être patient à Houston. « Nos projets coûtent cher et prennent du temps. Une mission
pour Mars ne se fait pas en un cycle électoral, et l’effort est si gigantesque qu’il ne pourra être que collaboratif avec d’autres pays. Et si je travaillais dans le privé, je subirais la loi du marché, avec ses bons et ses mauvais côtés », nuance Ben Peters. Avec 19,3 Mds $ de budget par an, la Nasa reste de loin la plus grosse agence spatiale du monde.

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