×
Greetings From Mars, de Julien Mauve
Et si, comme Julien Mauve l'a prédit dans sa série "Greetings from mars", nous prenions un jour la pause sur la planète rouge ?
melanie2

The Good Business

Julien Mauve, Greetings From Mars

The Good Business

Dans une recherche effrénée de terres toujours plus exotiques et plus éloignées à découvrir, les projections induites par l’exploration spatiale suscitent tous les fantasmes et excitent toutes les imaginations. Dans sa série de photos mettant en scène un couple de touristes arpentant la planète rouge, le photographe Julien Mauve offre une vision décalée d’usages terrestres bien contemporains dans une ambiance futuriste d’inspiration martienne. Bluffant !

« Depuis tout petit, j’ai toujours été passionné par Mars et par l’exploration spatiale en général. J’ai suivi l’envoi du robot Mars Exploration Rover et je consulte régulièrement les images qui arrivent de là-bas. L’esthétique est fascinante, unique, avec cette lumière très rouge et l’atmosphère particulière à cette planète. Même si les images sont recolorées a posteriori, visuellement, ça m’a toujours captivé. Je me suis demandé comment je pourrais travailler à partir de ­paysages terrestres pour essayer de reproduire cette esthétique-là en jouant sur la saturation, mais les premiers résultats n’ont pas été concluants », explique le photographe ­Julien Mauve. L’imagination offre cette possibilité d’explorer des voies que la réalité tangible nous interdit. Le topos de l’exploration spatiale devient alors un terrain de jeu infini. De la poésie la plus contemplative aux fictions utopiques et dystopiques, tous les genres créatifs s’y sont essayés. Paradoxalement, imaginer et reproduire un paysage martien sur Terre constitue également un moyen de s’approprier ce qui ne peut l’être. Et quoi de mieux pour littéralement l’habiter que de s’y projeter en tant que touristes ordinaires ? « L’an dernier, j’observais des touristes, et le sujet des usages nés avec la démocratisation de la technologie m’a interpellé. Les deux thèmes ont fini par se télescoper. Je me suis dit qu’il serait drôle d’aller encore plus loin et d’imaginer un couple qui partirait en voyage touristique sur Mars et qui partagerait leur expérience avec les codes d’aujourd’hui. »

Singer les comportements touristiques
La démarche du photographe se traduit par un double mimétisme. Trouver des typologies terrestres rappelant les caractéristiques paysagères de la planète rouge et reproduire de manière arbitraire l’es­thétique de la planète, d’une part, et d’autre part, observer, répertorier et singer à l’identique les comportements touristiques contemporains. « Instagram a été une source inépuisable d’inspiration pour se renseigner sur la manière dont les gens se mettent en scène et s’immortalisent. » Le choix du lieu se porte rapidement sur l’Ouest américain, qui possède l’avantage d’offrir des ­paysages diversifiés sur des distances relativement réduites, avec une escale évidente à Los ­Angeles, seul lieu sur Terre où l’on peut louer des costumes d’astronautes plus vrais que nature. « On a passé dix jours sur place pour prendre les photos et, ensuite, il m’a fallu trois ou quatre mois pour travailler sur la colorimétrie et réussir à reproduire les teintes et la saturation caractéristiques des photos prises par la Nasa. »

 

Faire siens des territoires inconnus
Le résultat est étonnamment réaliste et contemplatif. La cohérence de l’ensemble des tableaux permet alors toutes les interprétations possibles. De la critique sociale d’usages initiés par une société individualiste contemporaine à la fascination inhérente à l’être humain pour découvrir et faire siens des territoires toujours vierges, éloignés et inconnus. Le couple de cosmonautes incarne un type universel du fait de l’anonymat conféré par le costume. Une fois balayées les individualités, les comportements n’en sont que plus frappants. Le catalogue de poses prête à sourire, mais révèle à quel point l’appropriation des lieux passe, aujourd’hui, par une mise en scène de soi-même et par une consommation de l’image. L’« Homo touristicus » vogue paradoxalement entre délire égotique et velléités existentielles, la planète rouge ne constituant que la destination exotique ultime.

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture