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La Cathédrale du Christ-Sauveur a été reconstruite en 1995-2000.
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The Good Business

Huit acteurs de l’économie de Moscou

The Good Business

The Good Life a tiré le portrait de huit acteurs de l'économie moscovite.

Oleg Tinkov, fondateur de Tinkoff Credit Systems Bank (TCS Bank), banque de crédit en ligne cotée à la Bourse de Londres depuis 2013.

Oleg Tinkov, fondateur de Tinkoff Credit Systems Bank (TCS Bank).
Oleg Tinkov, fondateur de Tinkoff Credit Systems Bank (TCS Bank). DR

Oleg Tinkov ressemble plus à un athlète qu’à un banquier. Cela n’a rien d’étonnant : le vélo est sa passion, au point de pédaler lui-même et de sponsoriser l’équipe Tinkoff-Saxo sur le Tour de France. La compétition, il connaît. Etudiant, il vend des montres russes et du caviar à des étrangers, puis importe du matériel de Singapour. Après avoir vendu sa chaîne de magasins Teknoshok, il devient le roi des pelminis (sorte de raviolis russes) produits et congelés en masse. « J’étais le premier surpris par ce succès : Daria était, à l’époque, la plus grosse société de surgelés en Russie. » En 2001, il la revend pour 20 millions de dollars à l’oligarque Roman Abramovitch. Enfin, après avoir créé la brasserie Tinkoff Brewery, il la cède à la société belge InBev pour 260 millions de dollars [selon Oleg Tinkov ; InBev annonce sur son site l’avoir achetée pour 167 millions de dollars, NDLR]. Oleg Tinkov sait y faire.

Une année sabbatique à San Francisco avec sa famille et il revient avec une nouvelle idée inspirée par la banque de crédit Capital One. « J’ai fondé Tinkoff Credit Systems Bank en 2006 avec l’aide de Goldman Sachs. Nous sommes aujourd’hui le troisième fournisseur de crédit en Russie avec 8% de marché et plus de 4 millions de clients. » Un beau tour de force pour cette banque qui fonctionne sans agences physiques et délivre ses cartes de crédit par la poste ou par coursier jusqu’au fin fond du pays.

Dans les bureaux moscovites, où la moyenne d’âge frôle la trentaine, un esprit start-up flotte entre des murs colorés, presque tagués. On joue aux échecs, on papote à la cafétéria, mais on vend surtout des services de crédit… « Les Russes aiment dépenser, ils n’épargnent pas. C’est culturel, poursuit Oleg Tinkov. TCS Bank compte plus de 2,4 milliards de dollars d’en-cours de crédit et 1 million de dépôt. »

En octobre dernier, un nouveau pas a été franchi avec l’entrée de son groupe TCS Group Holding PLC à la Bourse de Londres. Le prix d’introduction du titre a valorisé la société à 1,09 milliard de dollars. « Cette introduction en Bourse est très excitante et sexy, remarque l’entrepreneur. Je ne pourrais pas être dans le secteur du gaz ou du pétrole, c’est trop bureaucratique ! La Russie est le pays le plus capitaliste et le plus libéral. La législation et les réglementations sont moins strictes que dans l’Union européenne et les syndicats sont faibles. On peut tout créer en Russie. » Le prochain projet d’Oleg Tinkov ? « La banque on-line appartient au passé. Je viens de lancer Tinkoff Mobile Wallet, un système de paiement sur téléphone Android sans frais de transaction. C’est l’avenir. » B. D.

 

Alexander Gubsky, rédacteur en chef adjoint de Vedomosti, quotidien économique russe créé en 1999, par le Financial Times et le Wall Street Journal associés à l’éditeur finlandais Sanoma.

Alexander Gubsky, rédacteur en chef adjoint de Vedomosti.
Alexander Gubsky, rédacteur en chef adjoint de Vedomosti. DR

The Good Life : Qu’en est-il de la croissance russe ?
Alexander Gubsky : Pendant des années, elle a grimpé très vite. Le niveau de vie s’est amélioré jusque dans les régions les plus pauvres. A Moscou, aujourd’hui, il n’y a presque pas de chômage et les salaires sont plus élevés que dans le reste du pays. Mais on est entré dans une phase de stagnation. La machine d’Etat fonctionne de plus en plus mal. La corruption touche 90% des contrats passés avec l’Etat, contre 5 à 10 % il y a dix ou quinze ans. Cela tue l’économie. Ensuite, le pays investit dans les gros projets comme les jeux Olympiques et la Coupe du monde de football… L’URSS a tué son économie avec ce genre de projets surdimensionnés.

TGL : Quelles sont les habitudes de consommation ?
A. G. : La société post-soviétique est encore très jeune. Son mode de consommation est basé sur l’image que l’on donne de soi. Il faut impressionner avec des vêtements de marque ou des voitures chères. Les Russes n’éprouvent pas le besoin d’économiser leur argent. Historiquement, chaque génération en a perdu lors d’un événement. Durant la crise de 1998, les comptes des particuliers se sont vidés. J’avais 7 000 dollars à la banque et tout a disparu ! Enfin, l’espérance de vie pour les hommes est de 58-59 ans alors que l’âge de la retraite est 60 ans. Alors à quoi bon économiser ?

TGL : Pourquoi le tissu industriel est-il si peu développé ?
A. G. : A l’arrivée de Poutine au pouvoir, le gaz et le pétrole représentaient 25% des exportations. Ils atteignent aujourd’hui près de 50%. Il est plus simple de se concentrer sur les matières premières que de relancer une industrie. Gazprom, c’est l’Etat, et ça reste très opaque. Avec autant de ressources naturelles, le pays ne manque de rien, sauf d’une bonne politique.

TGL : Qu’en est-il de la liberté de la presse ?
A. G. : Il n’y en a pas. Les chaînes de télévision à forte audience ne peuvent pas tout dire. Un nouveau décret du président vient d’ordonner la dissolution de l’agence de presse RIA Novosti, connue pour son objectivité. Une nouvelle agence doit voir le jour, dont le chef est un fidèle de Poutine. Novaya Gazeta reste le journal d’opposition le plus connu. A Vedomosti, nous ne souffrons pas de la censure. C’est un média de niche avec 75 000 lecteurs papier et 400 000 visiteurs uniques par jour sur Internet. Nos articles sont critiques, mais nous ne faisons pas la guerre contre le régime. Par-dessus tout, le pays ne dispose pas d’une justice véritablement indépendante. B. D.

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